Affaire Rugy: répondre à l’exigence de transparence

Ma chronique du 17 juillet 2019

François de Rugy l’a assuré avec émotion : il n’a rien à se reprocher. La polémique qui l’entoure, alimentée par une succession de « révélations », soulève de nombreuses questions.

Les premières sont d’ordre juridique : les pratiques en cause étaient-elles légales ? De ce point de vue, le débat peut être rapidement réglé – on s’étonnera d’ailleurs d’entendre si peu les juristes dans le débat. Les secondes sont plus complexes : elles sont d’ordre éthique.

De toute évidence, la virulence des échanges vient de ce que les pratiques en cause, qu’elles soient légales ou non, qu’elles aient poursuivi des buts légitimes ou non, renvoient l’image d’une déconnexion entre la réalité des Français (façonnée par des élus nationaux qui votent les réglementations et les taxes qui régissent leur quotidien), d’une part, et ce qu’ils perçoivent (non sans biais d’ailleurs) de la vie de leurs élus, d’autre part.

Comment tenir le discours d’une nécessaire restriction de la dépense publique en supprimant certaines prestations (déremboursement de l’homéopathie, baisse de cinq euros des APL…) quand, dans le même temps, on organise des dîners de homards et grands vins avec l’argent des contribuables ? Symboliquement, la confrontation est délicate.

La polémique devrait au moins encourager une supervision accrue et une transparence renforcée de l’usage des deniers publics. Dans une entreprise, un dirigeant ne peut déployer sans contrôle les moyens communs à son usage professionnel (les actionnaires veillent), ni personnel (ce serait un abus de bien social). Dans une démocratie, chaque euro de dépense publique étant financé au moyen d’un prélèvement obligatoire qui reste, de fait, une contrainte portée au droit de propriété, doit faire l’objet d’un examen strict et permanent. Après tout, de plus en plus de justifications sont bien demandées – et à raison – aux bénéficiaires d’aides et subventions diverses.

Homard et gyrophare. Cette exigence d’une plus grande transparence n’est pas épisodique : elle est révélatrice d’une tendance structurelle de nos sociétés, portée par la dynamique démocratique d’égalisation des conditions, déjà décrite en son temps par Alexis de Tocqueville. En démocratie, les citoyens ne supportent plus ce qui leur apparaît comme des privilèges : il en va des dîners dispendieux comme des voitures avec gyrophares !

Cette revendication s’est accrue récemment, dans un mouvement d’horizontalisation des sociétés contemporaines, permis par la technologie (Internet permet d’interpeller n’importe quel élu, montre les pratiques de Borgen, et renverse le pouvoir au bénéfice des projets collectifs et décentralisés). Elle se retrouve jusque dans l’entreprise, avec l’exigence de prise en compte de tous les « stakeholders » et la généralisation du contrôle exercé par les actionnaires et salariés sur les dirigeants (le « say on pay », par exemple).

L’erreur de François de Rugy semble surtout être de ne pas l’avoir compris. C’est d’autant plus paradoxal que les écologistes ont été à la pointe de ces revendications. C’est d’autant plus dommageable que ces « affaires » risquent de retentir sur tous les élus qui font la République au quotidien et, eux, sans moyen.

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