Atlantico / Une demande de libéralisme social ?

J’ai répondu aux questions d’Atlantico, en lien avec les résultats du « Grand Débat »

Atlantico : Après plusieurs mois de consultations, en quoi pourrait-on estimer que les aspirations des Français, exprimées à l’occasion du Grand débat national, pourraient être de nature à une demande de libéralisme, s’exprimant notamment au travers du ras-le bol fiscal ?

Erwan Le Noan : Si les demandes qui s’expriment étaient libérales, ce serait une excellente nouvelle pour la France ! A certains égards, il est vrai que les revendications portées résonnent positivement à des oreilles libérales : réduire la dépense publique, réduire la fiscalité, accroître la transparence de l’Etat, etc. Dans le même temps, il y a également des demandes d’augmentation de la fiscalité sur les plus « riches ».
Il est donc probablement réducteur de considérer que l’expression du grand débat est libérale. Elle n’est probablement nourrie d’une doctrine très claire et se limite – ce qui est déjà beaucoup, à dire ce que ressentent tous les Français : une immense exaspération devant un appareil administratif qui les oppresse plus qu’il ne les libère, qui les contrôle plus qu’il ne les encourage, qui leur confisque leurs revenus plus qu’il ne les incite à progresser ! Le grand débat a exprimé ce que tout le monde sait depuis des années en dehors des élites technocratiques qui nous gouvernent : les Français sont étouffés par l’Etat.
Les demandes de baisse de la dépense publique et de baisse de la fiscalité expriment donc plus une colère qu’une doctrine. Elle peut être libérale, ou poujadiste, ou frondeuse : beaucoup de considérations différentes se melent surement dans une expression commune.
L’important est de savoir ce que donneront ces revendications : si elles aboutissent effectivement à baisser drastiquement la dépense publique et la fiscalité, ce sera un pas immense pour la France !

Cette demande de libéralisme semble s’articuler avec une aspiration sociale profonde de la part des Français. En quoi cette demande pourrait-elle correspondre à un libéralisme plus « social », « humain » ou « durable » ?

​Erwan Le Noan : Les Français perçoivent ce que les élites ignorent : l’Etat Providence est dans une situation d’échec lamentable depuis des années. Les hôpitaux souffrent, les écoles ne sont plus au niveau, la solidarité n’est plus assurée alors même que l’Etat ne cesse de prélever et de réglementer. Le modèle que les discours politiques grandiloquents ne cessent de prétendre sauver ou préserver est en réalité dans une situation de faillite : il ne produit plus de résultats à la hauteur de ce que la collectivité y investit.
Il est donc peu surprenant et assez légitime que les Français expriment à la fois une demande de retrait de l’Etat inefficace et le renouvellement de la solidarité : ils demandent que le modèle qui a failli soit remplacé par une offre alternative.
Cela ne veut pas dire qu’ils se sont convertis à un libéralisme débridé – ni qu’ils foncent vers le communisme dont ils savent en réalité qu’il n’a produit que de la misère et de l’oppression ; mais ils sont en attente d’une autre offre de services (publics). Et de ce point de vue, force est de constater que le gouvernement comme les oppositions n’ont strictement rien à proposer. Ce n’est pas surprenant, ils restent sur le modèle d’un Etat-Providence qui fonctionnerait car, en réalité, leurs dirigeants sont assez représentatifs d’élites – souvent administratives – qui sont restées préservées des bouleversements négatifs du monde des dernières années.

Quels sont les partis ou les personnalités politiques susceptibles de pouvoir incarner une telle demande exprimée par les Français ?

​Erwan Le Noan :Aujourd’hui, il y a beaucoup de personnes qui expriment des idées libérales, mais aucune n’a probablement l’ampleur politique suffisante pour incarner une alternative crédible à ce stade.
Le risque, pour les démocrates, c’est que le discours anti-étatiste soit récupéré par des poujadistes nationalistes, qu’on trouvait à une époque au Front national avant que Marine Le Pen n’adopte un discours économique digne de l’extrême gauche.

https://www.atlantico.fr/decryptage/3569997/cette-demande-de-liberalisme-social-qui-emane-de-la-restitution-du-grand-debat-michel-ruimy-erwan-le-noan

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