L’Opinion / Privatisation d’ADP: quelle mouche a piqué LR?

Texte paru dans L’Opinion le 18 mars 2019

Au début du mois, Laurent Wauquiez, président des Républicains, disait n’être « pas favorable » à la privatisation d’Aéroports de Paris (au demeurant déjà contrôlé à 49,4 % par le privé). Peu avant, 104 parlementaires du même parti avaient signé une tribune appelant à « renoncer à privatiser ADP » (rejoignant les antiennes de tous ceux qui ont un jour combattu l’économie libre, ils soulignaient qu’ils croyaient « en l’initiative privée lorsqu’elle sert l’intérêt général »).

Quelle mouche a donc piqué ce parti qui se revendique de droite – ce qui, dans tout autre pays occidental, se traduit généralement par un attachement à l’économie de marché et la promotion du retrait de l’Etat de la société et des affaires marchandes ?

De nombreuses critiques peuvent être faites au gouvernement. Bien sûr, sa stratégie de communication est un échec : comment peut-il sembler dépassé par des arguments qui étaient si prévisibles ? Evidemment, il ne donne pas de vision de l’avenir des infrastructures ni de l’action publique. Mais ces critiques sont-elles suffisantes pour remettre en cause le principe même de la privatisation ? La seule question qui importe est de savoir ce que l’on considère être des missions de l’Etat. La réponse qu’on y apporte est révélatrice d’une préférence politique déterminante, susceptible de marquer un clivage structurel : le rapport à l’économie de marché.

En l’espèce, il n’est pas inutile de rappeler qu’un aéroport a, schématiquement, deux activités. La première est de gérer une infrastructure de transport aérien. La seconde est de gérer des espaces commerciaux. A priori, ni l’une ni l’autre de ces missions n’implique pour être correctement effectuée d’avoir une collectivité publique à son capital (et encore moins majoritaire).

Régulation. La gestion des pistes est, dit l’opposition, un monopole. Mais cela ne justifie en rien qu’il soit géré par la personne publique : l’activité peut être réalisée par une entreprise privée, sous la supervision des autorités (la police aux frontières restera évidemment publique ; au demeurant, depuis 2014, la France autorise la marine marchande à avoir recours à des « activités privées de protection »). Ce qui importe, ce n’est pas la nature juridique du détenteur du capital, c’est la qualité de la régulation. Les élus le savent en réalité très bien : de nombreux services publics sont gérés de façon déléguée, dont maintes infrastructures (autoroutes, tunnels, aéroports de Lyon ou Nice notamment). Les régions, en ce moment même, mettent en concurrence leurs TER (les trains circulent sur des rails en monopole) !

Quant à la gestion des boutiques de duty-free, souvenirs et autres dans les galeries des aéroports, on voit mal ce qui exigerait qu’elle relève de l’Etat.

Le débat sur ADP est ainsi doublement révélateur. Il donne le ton de l’époque politique : celui d’une opposition frontale et systématique à un gouvernement qui, de l’avis de tous (y compris au sein de la majorité), a méprisé la vie parlementaire.

Il indique aussi une appréhension de l’économie et de l’Etat. En s’opposant aujourd’hui à la privatisation d’ADP, les LR nourrissent les arguments de ceux qui dénoncent par principe la gestion privée. Ils affaiblissent la cause de ceux qui souhaitent un retrait de l’Etat. Ils tournent un peu plus le dos à l’économie concurrentielle, seule capable de créer de la richesse et des emplois.

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