Chronique de rentrée, du 27 août 2018
Chaque année, alors que les enfants pensent à leur nouvelle classe et que leurs parents reçoivent un avis d’imposition qui leur rappelle l’impératif de retourner au travail pour financer le Léviathan, les partis politiques se réunissent pour leur rentrée.
En 2017, ces rassemblements étaient moroses : balayés par l’élection d’Emmanuel Macron, les partis étaient sous le choc, assommés comme après chaque défaite qui repousse leur avenir national de cinq ans, désorientés après une déroute totale, désertés par les électeurs et les militants. En 2018, ces universités d’été s’ancrent dans une ambiance plus offensive : la majorité a connu quelques patinages et de nouveaux scrutins approchent (européennes en 2019 et municipales en 2020).
Ce contexte constitue toutefois la principale menace d’errance pour les partis. La gauche comme la droite sont motivées par l’espoir d’une revanche sur La République en marche. Au sein du parti présidentiel, des débats émergent sur la meilleure façon de remporter des municipalités. Les uns comme les autres courent le risque de se perdre dans une obsession du résultat immédiat, au détriment des succès durables. Or, ceux-ci ne se bâtissent pas sur des coups tactiques, mais sur des stratégies robustes.
Il est aisé de promettre des lendemains qui chantent quand on ne se soucie ni de la dépense publique ni de la mondialisation
Track record. La lecture des divers ouvrages des grands entrepreneurs rappelle que leurs réussites ont été portées par la poursuite de visions de long terme : c’est l’envie de porter un projet, décliné en solutions finalement rentables, qui porte les grandes transformations ; pas la volonté de rafler la mise illico. Ce qui convainc les clients (qui doivent être séduits pour acheter, comme l’électeur doit l’être par l’offre électorale) ou les investisseurs (de qui on sollicite l’argent, comme les élus le font des contribuables), c’est un track record et un projet.
Aujourd’hui, la majorité peine à convaincre qu’elle produit des résultats. Il est encore tôt, mais si sa politique n’en fournit pas bientôt, elle risque d’être tentée par la voie suivie par ses prédécesseurs, qui ont voulu les créer par des mesures symboliques et coûteuses. Pour convaincre que la patience est nécessaire, elle doit travailler à dessiner plus clairement sa vision : le Président Macron aurait demandé à ses équipes de le faire.
Dans l’opposition, les partis extrémistes misent tout sur leur vision démagogique : il est aisé de promettre des lendemains qui chantent quand on ne se soucie ni de la dépense publique ni de la mondialisation.
La gauche pèche aujourd’hui par un double déficit : ses élites locales ont été balayées en 2014 et elle peine à incarner un projet, payant des divisions anciennes. A droite, la vision n’émerge pas clairement : hier réformistes libéraux, Les Républicains cherchent à profiter de la colère populaire, au risque de suivre la pente populiste. A sa marge, toutefois, Xavier Bertrand et Valérie Pécresse tentent de concilier démonstration par les faits à la tête de leurs régions, et vision, en ébauchant une réflexion. Plus discrets, ils consolident leurs deux piliers sans entrer encore dans le débat national.
François Rebsamen déclarait récemment dans un quotidien que « le PS peut disparaître ». Il a raison : en politique comme ailleurs, c’est l’offre qui crée la demande (cette chronique l’a souvent répété). Aujourd’hui, aucun parti ne propose une proposition politique claire. Ce devrait être leur impératif, s’ils veulent remporter les élections durablement.
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