Ma chronique du 9 juillet, dernière avant la pause d’été !
Ce lundi, Emmanuel Macron s’exprime devant le Congrès, la République laissant les dorures de Paris pour celles de Versailles. Dans ce moment solennel, le Président incarne toute la grandeur monarchique de sa fonction. Ses adversaires le dénonceront. C’est oublier qu’il se contente de pousser la logique de la Ve République à son terme : hyper-concentration du pouvoir, docilité du gouvernement, soumission du parlement, domination de la technocratie.
La Constitution propose une organisation monopolistique du pouvoir, qui réside dans les mains du Président. Le texte de 1958 est suffisamment flexible pour que cette structuration accepte des solutions de souplesse (selon la docilité du Parlement par exemple), mais les révisions récentes (quinquennat, présidentialisation progressive) et les configurations électorales contemporaine (Parlement soumis) et actuelle (députés sans expérience) ont affaibli cet équilibre inéquitable et accru la maîtrise du pouvoir par un seul homme.
La pratique du pouvoir d’Emmanuel Macron accélère cette concentration, en rapportant tout le processus décisionnel à lui. Le Président incarne un chef d’Etat fort : il a montré sa volonté d’exercer une puissance décisive et solide face aux oppositions. Il réforme, fort d’une légitimité électorale incontestable et convaincu du bien-fondé de son action. Il écoute peu les protestations. En ce sens, il répond à une demande des Français qui, en 2015, étaient près de 70 % à se dire favorables à ce que « la direction du pays soit confiée à des experts non élus qui réaliseraient ces réformes nécessaires mais impopulaires » (55 % en 2017) et 40 % à favoriser un « pouvoir politique autoritaire, quitte à alléger les mécanismes de contrôle démocratique » (38 % en 2017).
S’il a renouvelé l’offre parlementaire, En Marche a aussi savamment œuvré à décomposer les partis d’opposition – avec leur concours enthousiaste. En 2018, il n’a aucun concurrent crédible face à lui, si ce n’est les partis extrêmes
Concurrence annihilée. Cette tendance concentrative pourrait s’entendre si, en contrepartie, de puissants contre-pouvoirs existaient, de telle façon que, comme l’écrivait Montesquieu, « par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Or, le Président a annihilé toute concurrence.
En privilégiant une composition «technique» du gouvernement, il a vidé l’institution de force politique : les ministres ont, pour la plupart, peu d’existence médiatique et pas d’existence partisane ; leurs cabinets, réduits, ne leur permettent pas de contrebalancer ces fragilités. L’administration s’en retrouve renforcée : nommée directement par la Présidence, elle la renforce ; en réalité, elle gouverne. Les collectivités locales sont mises au pas : la colère récente de leurs associations est révélatrice d’une exaspération face à la condescendance de l’administration centrale, toujours prompte à ne leur accorder une autonomie que pour autant que celle-ci s’accompagne d’un flot de contrôles, d’une foultitude de prélèvements et d’une pluie de directives.
S’il a renouvelé l’offre parlementaire, En Marche a aussi savamment œuvré à décomposer les partis d’opposition – avec leur concours enthousiaste. En 2018, il n’a aucun concurrent crédible face à lui, si ce n’est les partis extrêmes (non susceptibles à ce stade d’arriver au pouvoir, étant donné l’organisation électorale de la Ve République).
Cette situation de monopole, maintenue par l’asphyxie de la concurrence, n’est pas saine. Elle ne l’est pas pour le pouvoir exécutif dont toute fragilité peut devenir une menace systémique ; elle ne l’est pas pour les électeurs qui, s’ils sont mécontents, n’ont aucune offre politique auprès de laquelle ils pourraient faire valoir leur demande.
Article publié par L’Opinion https://www.lopinion.fr/edition/economie/emmanuel-macron-monopole-pouvoir-chronique-d-erwan-noan-156028
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