L’Opinion / Renouer avec l’Europe de la liberté, plutôt que de l’administration

Chronique du 14 mai 2018

A Aix-la-Chapelle, Emmanuel Macron a prononcé un nouveau discours sur l’avenir de l’Europe. Donnant une liste de priorités, modestement bibliques (des « commandements ») ou kantiennes (des « impératifs catégoriques »), le Président a dénoncé le travers français d’« une préférence pour la dépense publique » et son parallèle allemand d’« un fétichisme perpétuel pour les excédents budgétaires et commerciaux ». C’était un peu la cigale faisant la morale à la fourmi.

Emmanuel Macron n’a pas craint d’affirmer que « la France a changé » avec son élection (probablement « performative ») car elle « a fait ses réformes tant et tant attendues ». La réalité des chiffres est moins concluante.

D’abord, la France reste la championne des dépenses publiques : 56,5% du PIB (contre 47,1% pour la zone euro) ; sa dette publique atteint 97% du PIB, contre 64,1% en Allemagne (en baisse). Si le déficit public a légèrement décru grâce à la conjoncture, à 2,6% du PIB, il reste considérablement plus élevé de la moyenne européenne (-0,9%) et à des années lumières des 12 pays qui ont connu un excédent budgétaire. Pire : notre déficit structurel ne bouge pas (-0,1 point en 2018 selon le gouvernement).

Ensuite, l’Allemagne a en réalité une dépense publique plus dynamique que la France ! En 2017, ses rémunérations publiques, son investissement public, ses prestations sociales augmentent plus vite qu’en France. Presque une preuve que le fétichisme a son utilité…

Le Président parait considérer qu’il faut redistribuer pour créer l’union des peuples. Or, il se pourrait que ce soit l’inverse : les peuples redistribuent parce qu’ils se sont unis

Le lyrisme aidant, Emmanuel Macron a souhaité « une zone euro plus forte, plus intégrée, avec un budget propre », plaidant pour plus de « solidarité ». Ce projet a deux limites.

D’abord, le Président parait considérer qu’il faut redistribuer pour créer l’union des peuples. Or, il se pourrait que ce soit l’inverse : les peuples redistribuent parce qu’ils se sont unis. La crise récente a montré que la redistribution était source de dissensions : les Etats-membres les plus riches sont las de payer pour les plus dépensiers ; le refus de l’immigration est en partie porté par un rejet de la redistribution ; à l’inverse, le populisme peut s’interpréter comme une exigence de répartition autoritaire.

Pouvoir technocratique. Ensuite, il est douteux que la solidarité entre les peuples passe par le renforcement d’un lieu de pouvoir perçu comme technocratique et distant. Surtout si le budget européen passe par… des impôts européens ! Or, c’est précisément ce que prépare le gouvernement : Nathalie Loiseau, ministre des Affaires européennes, plaide ainsi pour la création d’une à deux taxes affectées au bénéfice de Bruxelles.

L’Europe était à son origine une vision politique portée par l’unification d’un espace économique, promoteur de solidarités de fait plutôt que forcées par les institutions. L’Union devrait renouer avec ce projet de liberté et de croissance par le marché, plutôt que de chercher ses relais dans le renforcement d’une administration. Pour cela, il faut que la France commence par revenir à de saines bases économiques. Elle en est loin.

Erwan Le Noan

Texte initialement paru dans L’Opinion du 14 mai 2018

https://www.lopinion.fr/edition/international/renouer-l-europe-liberte-plutot-que-l-administration-chronique-d-erwan-149957

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