LR : pourquoi la panne dure

Voici le texte d’un entretien pour Atlantico

D’après un sondage Ifop, si le premier tour de la présidentielle était rejouée aujourd’hui, Emmanuel Macron récolterait 33% des voix contre 24% en avril 2017. Et si Laurent Wauquiez était face à lui, le président monterait à 36% alors que le patron des Républicains tomberait à… 8%. Des chiffres inquiétants pour LR alors que le projet de loi sur l’immigration constitue pourtant une opportunité majeure pour lui de s’affirmer en tant que parti d’opposition.

Atlantico : Le projet de loi sur l’immigration constitue une opportunité majeure pour Laurent Wauquiez et Les Républicains de s’affirmer en tant que parti d’opposition. Pourtant, il fait surtout apparaitre des divisons et un manque de positionnement clair, entre l’idée d’un référendum lancée par Laurent Wauquiez et le contre-projet de Valérie Pécresse. Comment expliquer ce manque de cohérence et de crédibilité ?

Erwal Le Noan : Les divergences politiques internes au sein de LR ne sont pas nouvelles et elles sont doubles.

D’abord, le parti reste animé par des individualités fortes qui ont en ligne de mire la prochaine élection présidentielle. On ne peut pas le leur reprocher et il est, au fond, assez sein que la vie politique soit animée par une certaine concurrence. La limite de cet état de fait c’est que cela ne suffit pas : dans le monde des affaires, on sait que pour séduire des consommateurs, il faut vendre un produit qui soit attrayant et de qualité, sinon on ne dure pas. En politique, le produit, ce n’est pas le candidat, c’est le projet. A ce jour, il n’est pas parfaitement évident de comprendre quel est le projet des Républicains (ni de chaque écurie).

Ensuite, la droite française (et la gauche) essaie depuis des années de proposer un projet qui réponde à une problématique : quel modèle économique, politique et social dans un monde ‘post Etat-Providence’ ? Le projet de François Fillon avait marqué, d’une certaine façon, la réflexion la plus aboutie à ce sujet (ce n’est pas la seule, pour autant) : il proposait de sortir de cette vision de la société et de l’Etat. Laurent Wauquiez, aujourd’hui, revient sur cette vision économique. S’il le peut, c’est que le courant de pensée qu’il représente – ou qu’il a adopté, était toujours présent de façon plus ou moins latente au sein des LR.

Depuis la surprise de l’élection de Fillon à la primaire, le départ de Juppé et  l’élection de Laurent Wauquiez, cette division se retrouve dans les groupes LR à l’Assemblée Nationale, et dans une moindre mesure, au Sénat.  Les Républicains peuvent-ils encore se retrouver sur un projet commun ?

Erwal Le Noan : La faiblesse des Républicains a aujourd’hui deux sources, à mon sens. D’abord, le manque de clarté idéologique comme je l’expliquais ci-dessus. Ce n’est pas nouveau : il y a longtemps que la Droite n’a pas travaillé sérieusement et durablement (même s’il existe évidemment des contributions ponctuelles et travaillées au débat public) pour réfléchir à un projet (et non uniquement à quelques réformes) pour la France et l’Europe. Ensuite, elle sort d’une déroute historique : il ne faut pas croire qu’elle s’en remettra en (même pas) un an ! C’est un processus beaucoup plus long qui est engagé.

Les Républicains ont au moins deux raisons de retrouver un projet commun. D’abord, plusieurs de ses principaux leaders souhaitent être président de la République : ils ne le seront que s’ils rassemblent la Droite, pas en se ralliant à Emmanuel Macron. Ensuite, au-delà de cette cuisine électorale, il existe un électorat (voire plusieurs) et un courant idéologique (voire plusieurs) qui ne se reconnaissent pas dans le Président de la République, tout en se sachant ‘à droite’. C’est à ce camp de parvenir à faire une synthèse, peut-être sur l’exemple anglo-saxon, avec une droite libérale en économie et plutôt conservatrice en matières sociale et sociétale.

Une partie de son électorat s’est reportée sur LREM, mais qu’en est-il de sa base historique composée de chefs d’entreprises, de professions libérales, etc ? Comment expliquer que  Laurent Wauquiez  ne se positionne pas davantage sur les sujets économiques ?

Erwan Le Noan : Laurent Wauquiez a fait le constat, non erroné, que la question de l’identité (qui a un volet ‘culturel’ mais aussi ‘économico-social’) et celle de la Nation sont des sujets majeurs et structurants dans l’opinion publique aujourd’hui. Il a fait le choix de se concentrer sur eux pour mobiliser un électorat. Certains l’accusent de se ‘faire le jeu populiste’ ; d’autres rappellent que s’il ne tenait pas ce discours, le FN réaliserait des scores beaucoup plus élevés.

Ce faisant, il n’en reste pas moins qu’on l’entend finalement moins sur les questions économiques que culturelles (cela ne veut pas dire qu’il ne s’exprime pas pour autant…). S’il veut construire un projet, et ne pas se contenter de mobiliser sporadiquement une base électorale, il faudra pourtant qu’il parvienne à articuler les deux… Virginie Calmels, par exemple, semble porter cette voix libérale de droite dans le débat public.

Comment Les Républicains pourraient-ils fédérer à nouveau les électeurs de droite ?

Erwan Le Noan : Pour commencer, Les Républicains devraient faire l’effort de regarder les droites européennes et plus largement occidentales pour tenter de comprendre à quels défis elles ont été confrontées et comment elles y ont répondu. La France a beau être un pays unique et exceptionnel, il n’est pas complètement certain qu’elle ne puisse trouver de bonnes idées ailleurs. Par exemple, il y a d’autres pays où un président jeune, plutôt charismatique, plutôt social-libéral a été élu (plusieurs fois) : qu’a fait la droite là bas ? Pourquoi les Républicains américains ont-ils été balayés par Trump, comme Obama ? Au delà, que faut-il déduire des résultats aux élections récentes en Europe ? Comment interpréter le renouvellement générationnel qui se dessine bien au-delà de la France (Canada, Irlande, Autriche, Australie …) ? Dans certains pays, c’est la droite ‘populiste’ qui l’a emportée. Dans d’autres, c’est une droite conservatrice, au sens anglo-saxon (conservatrice socialement, libérale économiquement), qui a un temps dirigé. Ailleurs, la droite a porté des préoccupations sociales (‘compassionate conservatism ; concious capitalism).

Pour fédérer à nouveau, la Droite doit produire un ambitieux travail idéologique, un travail de recherche, d’analyse. Elle doit bâtir un réel projet, cohérent, solide. Cela prend énormément de temps. Il faut donc qu’elle s’y attelle rapidement.

 

http://www.atlantico.fr/decryptage/lr-pourquoi-panne-dure-boutin-3368142.html

 

 

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