Quelques questions auxquelles j’ai répondu pour Atlantico
Atlantico : Ce 22 janvier, Emmanuel Macron recevait quelque 140 grands dirigeants de multinationales dans la promotion de l’attractivité du pays, et de l’idée du « France is back ». Si cette idée du « retour » français prend effectivement forme, de quelle France s’agit-il ? N’est-on pas confronté actuellement à un retour de la France qui « allait déjà bien », par opposition à certaines fractures qui peuvent exister dans le pays, notamment entre grandes entreprises et PME; ou entre territoires métropolisés et ceux qui sont désindustrialisés ? N’est-ce pas là la célébration d’une réussite partielle ?
Erwan Le Noan : La réunion organisée par le Président de la République est un grand succès de communication et il faut s’en féliciter : sur la scène médiatique internationale, diplomatique et économique, la France est de retour avec une image positive – qu’elle avait perdue sous François Hollande par exemple. L’événement organisé par le Président Macron, à Versailles, a atteint son objectif : créer un choc d’image.
Dans les faits, pour autant, la croissance française reste atone, les investisseurs nous regardent plus positivement mais il faut encore attendre que cela se matérialise par des décisions… Il est trop tôt pour mesurer une réussite : les effets des réformes engagées par le Gouvernement ne peuvent pas se faire sentir encore très nettement. Et encore faudrait-il qu’elles aient la capacité de se faire sentir ! Or, si la volonté réformatrice est clairement affirmée, on peut douter qu’elle soit allée très en profondeur jusqu’à maintenant : quid de la dépense publique ? De la fiscalité ? Comment parler d’attractivité avec notre niveau d’impôt, de réglementation, de dépense publique ?
Cela dit, même si elles ne semblent pas si ambitieuses, les réformes ont-elles la capacité d’améliorer le sort de tous les Français ? C’est ce que défend le Gouvernement : grâce à ses réformes et au retour des investisseurs, l’économie repartira dans son ensemble, y compris au bénéfice des PME, des acteurs régionaux, etc.. Cette logique est certainement bonne, mais elle n’est pas suffisante pour résoudre les défis de la France isolée, qui sont également politiques, qui appellent une reconfiguration des services publics … qui ne vient pas et qui ne se fera pas sans révolution profonde de la dépense publique.
Quels sont ces défauts de l’économie française qui peuvent ralentir son développement des petites et moyennes entreprises ? Peut-on parler effectivement d’une économie qui protège trop ses fleurons par rapport à de nouveaux acteurs entrant sur le marché, à des PME ? Dans quelle mesure la « collusion » public-privé s’exprime-t-elle ici ?
Erwan Le Noan : Les « fleurons » français réussissent souvent … parce qu’ils sont des entreprises mondialisées dont une partie seulement du business se fait en France. Il n’en reste pas moins que de nombreux opérateurs français, fleurons ou plus petits, vivent de leur proximité avec la puissance publique : ils bénéficient de subventions, ils font adopter des normes protectrices. C’est un phénomène que les économistes appellent la « capture réglementaire », quand un opérateur privé « capture », de fait, l’édiction de normes en raison de sa proximité avec le pouvoir politique. En France, il est probable que ce phénomène est renforcé par l’immense consanguinité des élites administratives (plus que politiques) et économiques, qui sortent tous des mêmes formations, très restreintes ! Une étude de Thesmar et Kramarz l’avait montré : en France, les grandes entreprises qui sont dirigées par des ENArques et ont plus souvent tendance à recruter des ENArques… et enregistrent de moindres performances !
Quels sont ces verrous que l’économie française doit faire sauter pour permettre l’émergence d’un véritable libéralisme, à l’opposé d’un libéralisme parfois perçu en France comme la protection du plus fort ?
Erwan Le Noan : La France n’est pas libérale : son système économique, politique et réglementaire est miné par une collusion des élites. Surtout, elle est plombée par un complexe administrativo-fiscal beaucoup trop lourd, tatillon, étouffant. Pour libérer l’économie française, il faut baisser la dépense publique, résolument. C’est un défi majeur, auquel le Gouvernement n’a pas même commencé de s’attaquer.
Répondre / Commenter