L’Opinion / Sortir du despotisme étatique

Voici le texte de ma chronique parue le 3 janvier 2018

Dans un excellent papier publié dans l’Opinion le 26 décembre, Jean-Marc Daniel dressait un intéressant parallèle entre la politique de Kennedy et celle d’Emmanuel Macron, montrant les proximités entre le discours du président français et la doctrine des démocrates américains.

Dans son analyse, l’économiste reprend la célèbre citation du seul président catholique des Etats-Unis : « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays » – que le Président a d’ailleurs reprise à sa façon dans ses vœux. C’est par cette même phrase que Milton Friedman ouvre son livre majeur Capitalisme et liberté : dans un passage acéré, le Prix Nobel d’économie en critique vertement la philosophie « paternaliste » et holistique («  organismic  ») qui implique que « le gouvernement est le patron, le citoyen son sujet », « une vision en contradiction avec la foi que l’homme libre a en sa propre responsabilité pour forger son propre destin » (1).

Le texte de Friedman est catégorique : il s’accommode probablement imparfaitement avec le nécessaire pragmatisme du quotidien ; mais il a le mérite de proposer une référence à l’aune de laquelle évaluer les politiques et débats publics ; une référence totalement absente du paysage français. Sur l’ensemble de l’échiquier politique national, la même vision prévaut : l’Etat domine la société et l’économie, qu’il régule de façon nécessairement efficace et pertinente. Plus encore, il lui appartient de les façonner pour les améliorer : le rôle du politique est de changer le monde, non par la libre adhésion des individus, mais grâce à et par l’Etat.

Les majorités successives divergent non sur le modèle de société mais sur le degré de coercition qu’elles estiment acceptables et la coloration politique qu’elles lui donnent : à des interventionnistes militants succèdent des interventionnistes plus discrets ; à des étatistes conservateurs succèdent des étatistes progressistes. Quelles que soient les ambitions, la société reste subordonnée aux objectifs que l’Etat lui assigne. Despotisme éclairé ou rétrograde, mais despotisme quand même.

Hégémonie technocratique. Cette omnipotence se marque dans la vie quotidienne et dans le fonctionnement des institutions. Il se matérialise par deux statistiques : la dépense publique, qui atteint 57 % du PIB, et les prélèvements obligatoires, à 47,6 % du PIB. On ne martèle pas assez ces chiffres, inquiétants pour notre économie mais surtout effrayants pour notre liberté.

L’élection d’Emmanuel Macron et de la majorité En Marche n’a pas changé structurellement ce logiciel. Leur action est plus nuancée, leur objectif plus réformiste, leur ambition plus progressiste. Leurs opposants défendent des projets dramatiquement plus intrusifs, répressifs, parfois xénophobes et souvent asphyxiants. Mais les instruments restent les mêmes et la hiérarchie entre l’Etat et la société ne change pas : l’Etat commande, la société exécute.

La France a une histoire centralisatrice. Elle a également une conception du pouvoir étatique hégémonique plus récente, consacrée depuis le milieu du XXe siècle par le triomphe de la technocratie. Elle ne deviendra jamais une société avec un Etat minimal (pas plus que les Etats-Unis d’ailleurs). Pour autant, elle a des marges de manœuvre immenses pour progresser sur la voie d’une société plus libre, notamment en baissant la dépense publique. C’est une piste à explorer en 2018 pour le gouvernement, qui n’a encore rien fait en la matière.

(1) Traduction imparfaite de l’auteur de ces lignes

Erwan Le Noan
texte paru dans L’Opinion
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