L’Opinion / La responsabilité sociale de l’entreprise est d’accroître son profit

Voici le texte de ma chronique du 18 décembre

Le 11 décembre, Nicolas Hulot, a annoncé l’intention du gouvernement de modifier le Code civil (Art. 1833 : « toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés ») dans le but d’amender l’objet social des entreprises. S’il reprend le texte proposé par Emmanuel Macron quand il était ministre de l’économie, la loi exigera désormais de l’entreprise d’« être gérée au mieux de son intérêt supérieur, dans le respect de l’intérêt général économique, social et environnemental ». L’ambition peut être positive, mais le projet est malvenu.

Chacun aura spontanément de la sympathie pour l’objectif. Qui pour souhaiter que l’entreprise pollue plus ou ne parvienne pas à mieux prendre en compte les attentes des différentes parties ? A l’heure d’une demande de sens croissante, d’une horizontalisation de la société, d’une individualisation toujours plus forte des parcours, le gestionnaire qui, se comportant en dictateur, ne saurait conjuguer les intérêts et les préoccupations de ses salariés, actionnaires et clients se prépare à des lendemains difficiles.

Comme l’a écrit Milton Friedman, « la responsabilité sociale de l’entreprise est d’accroître son profit ». On peut vouloir l’enrober de bons sentiments, le saupoudrer de responsabilité sociale ou le couvrir d’un voile participatif, la mission de l’entreprise est bien celle-là. Sans profit, pas de pratiques sociales positives, pas d’investissement dans la recherche environnementale. L’entreprise qui l’ignore est condamnée à mourir ou être subventionnée. Celle qui en dispose peut, ensuite, le redistribuer comme elle l’entend, l’affecter à qui elle le veut. L’Etat devrait le savoir, lui qui est un actionnaire si rapace que la Cour des comptes lui reproche de « privilégier un rendement à court terme de ses participations au détriment, potentiellement, des intérêts de long terme des entreprises » !

Le dessein du ministre de la transition écologique est inquiétant d’un point de vue politique : il illustre la vision d’une société aux ordres, dirigée par le haut, dont les objectifs doivent changer avec les préférences de la majorité en place. Si l’objet social de l’entreprise est modifié pour satisfaire les considérations, même louables, du moment, qui interdira qu’elles ne le soient demain pour des ambitions plus néfastes ? En la matière, comme en d’autres, le gouvernement semble considérer que le résultat importe plus que les moyens pour y parvenir. Or, c’est dans le respect de procédures garantes de l’autonomie individuelle que se fonde la liberté : en ce sens, le gouvernement n’est réellement pas libéral.

Ce projet passe enfin à côté de ce qui conduit les changements économiques : la dynamique de l’offre et de la demande, qui dirige bien plus sûrement le comportement « responsable » des entreprises que les lois, surtout quand elles poursuivent un objectif médiatique. C’est par la pression de leurs consommateurs et la volonté de répondre à leurs attentes que les entreprises modifieront leurs comportements dans le « bon » sens. Dans un monde où la conscience environnementale triomphe, celles qui l’ignoreraient se condamnent elles-mêmes. A ce titre, Nicolas Hulot devrait relire Montesquieu. Dans un passage célèbre, celui-ci écrivait que « lorsque l’on veut changer les mœurs et les manières, il ne faut pas les changer par les lois, cela paraîtrait trop tyrannique : il vaut mieux les changer par d’autres mœurs et d’autres manières ».

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