Voici ma chronique du 13 novembre 2017
La semaine dernière a été particulièrement instructive sur les évolutions de nos sociétés démocratiques. Trois leçons ressortent du « coup médiatique » des « Paradise Papers ».
D’abord, il est possible de divulguer des documents en violation du secret professionnel des avocats ; et recevoir pour cela des applaudissements quasi unanimes. Qu’importe que ce principe de protection des clients soit au cœur de l’Etat de droit : désormais, tous les moyens sont justifiés pour autant que le but est louable.
Ensuite, pour être un bon citoyen, il ne suffit plus de respecter le droit fiscal. Le civisme se mesure désormais au montant de la facture fiscale : le faire baisser, même de façon légale, s’apparente à du « vol » (pour reprendre le mot de Xavier Bertrand). C’est que, visiblement, les revenus et la richesse produits reviennent de droit à la puissance publique. Le droit de propriété, pourtant au fondement de la démocratie moderne, n’est plus défendu par personne. Bientôt, il faudra même supplier de payer plus pour espérer être considéré comme une personne honnête.
Enfin et plus largement, se conformer à la loi ne suffit plus pour vivre librement : il faut désormais se conformer à des principes moraux, définis on ne sait comment par quelques élites intellectuelles qui se sont arrogées le droit de déterminer la façon dont leurs concitoyens doivent vivre. Dans ce régime, ceux qui divergent ne sont plus des opposants, ce sont des ennemis immoraux, dont la condamnation est inévitable : Bruno Le Maire en a donné une illustration, quand il a estimé que les pratiques « révélées » par les « Paradise papers » étaient une « attaque contre la démocratie ».
Dans un Etat de droit, la fiscalité n’a pas à être morale : elle doit être efficace, pour financer les politiques que la Nation se donne (lesquelles peuvent évidemment poursuivre des objectifs de redistribution). C’est de cette façon qu’elle maximise les revenus de l’Etat et contribue à la croissance.
Par provocation, on pourrait même expliquer que c’est au contraire l’entreprise qui n’optimiserait pas en laissant son argent végéter de façon improductive qui serait immorale, car rentière
Principes sains. En la matière, l’optimisation fiscale est une pratique non seulement légale mais guidée par des principes économiques sains : en ayant recours aux possibilités que le droit (voté par le législateur qui fait aujourd’hui mine de s’offusquer) leur donne, les acteurs économiques allouent leur richesse de façon à la maximiser, car ils ont conscience qu’il s’agit d’une ressource rare (il n’y a que les collectivités publiques qui considèrent que l’argent est inépuisable !). Par provocation, on pourrait même expliquer que c’est au contraire l’entreprise qui n’optimiserait pas en laissant son argent végéter de façon improductive qui serait immorale, car rentière.
Si l’on sanctionne les « riches » parce que leur comportement déplaît à quelques-uns, qu’est ce qui interdira demain que d’autres comportements ne soient ciblés pour « immoralité » ?
Ce qui fait que la démocratie se distingue des régimes arbitraires, c’est notamment que ses règles ne dépendent pas des contingences de l’actualité. Si l’on commence à considérer que la morale est un bon principe de gouvernement, alors il ne faudra pas pleurnicher quand un parti aux idées différentes et aux idéaux divergents des nôtres imposera la sienne s’il parvient au gouvernement (sauf à considérer que la démocratie ne vaut que lorsqu’elle exprime un accord avec notre opinion). Les « Paradise papers » révèlent un scandale : le recul de l’Etat de droit. Hayek avait parfaitement décrit tout ce processus de décomposition démocratique dans La route de la servitude.
Répondre / Commenter