Le texte de ma chronique du 4 septembre
Le 30 août, Alexis Corbière était l’invité de Guillaume Durand dans l’(excellente) émission qu’il anime à la radio. Au journaliste qui l’informait que le ministre de l’économie venait d’annoncer une baisse de 8 points du taux d’impôt sur les sociétés, le député de La France insoumise a répliqué : « C’est toujours la même idée […], c’est de l’argent public qui est donné et ça ne créera rien. »
Le propos est assez courant : quand une réduction d’impôts est annoncée, les commentateurs parlent des « cadeaux » faits à telle ou telle catégorie socio-professionnelle ; souvent également, ils évaluent le « manque à gagner » de l’Etat. Il n’est pas moins inquiétant ; car ce discours révèle le piteux état de l’esprit démocratique en France.
Dans une démocratie représentative moderne, telle que ce modèle politique a émergé depuis les révolutions américaine et française du XVIIIe siècle, les citoyens élisent des assemblées dont l’une des fonctions principales est de consentir à la levée de l’impôt et de contrôler l’exécution des dépenses. Dans cette logique, ce sont eux qui – à travers leurs représentants – déterminent ce qu’ils souhaitent consentir « librement » (article 14 de la déclaration des droits de l’Homme) comme effort financier collectif.
Droit sacré. Cette contribution n’est pas anodine : l’impôt prive les citoyens d’une partie de leur propriété, droit fondateur et liberté fondamentale (dans l’héritage de Locke). Ce n’est ainsi pas un hasard si la déclaration des droits de l’Homme désigne la propriété, dès son article 2, comme un droit « naturel et imprescriptible de l’Homme » et le présente, à son article 17, comme « un droit inviolable et sacré ». Plus tard, Jacques Rueff en a fait, avec la liberté des prix, l’un des piliers d’une société libre (« L’institution de la propriété […] n’est ainsi que le moyen de la paix sociale »), rejoignant Hayek. L’économiste péruvien Hernando de Soto a montré plus récemment combien il est le gage de prospérité et de développement.
Ce ne sont plus les citoyens qui décident de leur effort, c’est l’administration qui le leur impose pour satisfaire ses envies
En France, le discours sur la fiscalité a oublié tout cela ; il semble considérer que la richesse créée revient de droit à la puissance publique, qu’elle n’appartient pas aux citoyens qui consentent à lui en abandonner, mais au Léviathan qui tolère généreusement de la leur concéder temporairement. Les débats budgétaires partent dès lors du principe que les politiques publiques doivent être reconduites, à un niveau astronomique de dépense : ce ne sont plus les citoyens qui décident de leur effort, c’est l’administration qui le leur impose pour satisfaire ses envies.
Les propos de l’extrême gauche ne sont donc pas légers : ils montrent à quel point son inconscient est modelé sur le rêve d’un Etat qui contrôlerait toute la société et régirait la vie des individus (un peu comme au Venezuela…). Ils rappellent ce que démontrait déjà Hayek : le « socialisme » (c’est-à-dire toute solution prônant un planisme centralisateur) mène à l’autoritarisme et à la restriction des libertés. Le débat fiscal français est une autre illustration de l’affaiblissement du sentiment démocratique dans notre pays.
Lorsque l’Etat baisse la fiscalité, il ne fait donc pas un « cadeau » : il rétablit un équilibre favorable à la démocratie. Quand il les augmente, au contraire, il fragilise la liberté. Les annonces récentes du gouvernement ne sont donc pas seulement bienvenues économiquement, elles sont salutaires démocratiquement !
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