J’ai répondu aux questions d’Atlantico
1-Suite à une forte baisse de sa popularité au cours de ces derniers mois, mesurée par plusieurs instituts de sondage, Emmanuel Macron tente de reprendre la main au travers d’une interview donnée à l’hebdomadaire Le Point de ce 31 août. Si l’exécutif semble mettre en cause des problèmes de communication, le problème de fond ne peut être écarté. Que peut faire Emmanuel Macron pour reprendre la main ?
Pourquoi Emmanuel Macron est-il devenu « impopulaire » ? Pour 3 raisons au moins. D’abord, parce qu’il a été élu avec 18% des voix des inscrits au 1er tour : cela ne l’empêche pas de gouverner (et ne le rend pas moins légitime à le faire), mais rappelle que le socle d’électeurs qui adhèrent parfaitement à sa candidature est faible.
Ensuite, parce qu’il a promis un forme de « rupture », de basculer d’un ancien monde à un nouveau… et qu’en pratique on ne voit rien venir. Les réformes économiques qu’il propose sont souvent intéressantes, mais elles ne sont pas des réformes radicales, de « transformation » ; ce sont des amendements au modèle social-démocrate d’Etat Providence, une forme de continuation de la politique de Manuel Valls.
Enfin, parce que les premières annonces se sont perdues en se transformant dans l’énonciation d’une liste de mesures technocratiques arides qui font des mécontents : leurs victimes, qui découvrent qu’elles vont être affectées alors que le discours d’En Marche pendant la campagne consistait un peu à promettre la réforme sans douleur. Les annonces se sont perdues aussi parce qu’elles ne s’inscrivent dans aucun discours d’ensemble : aucun projet de société n’en ressort.
Pour reprendre la main, Emmanuel Macron semble dès lors avoir deux pistes : d’abord, réformer pour de vrai, quitte à être impopulaire, pour avoir des résultats rapidement (les Français jugeront sont mandat sur pièces !) ; ensuite, faire un travail d’explication de son action. A ce titre prétendre qu’il met en œuvre une « transformation » de la société pourrait rapidement trouver ses limites, car ce n’est pas ce qu’il fait.
2-Emmanuel Macron est parvenu, au fil de la campagne, et au cours de ses premiers mois à l’Elysée, à incarner une différence, mais sans parvenir à définir cette différence. Selon les instituts de sondage, cette « différence » serait en passe de créer une image de « Président des riches ». Que peut faire Emmanuel Macron, aussi bien en termes politiques qu’économiques pour éviter de laisser installer une telle image dans l’opinion ?
Cette image lui a été accolée par l’extrême gauche qui surfe sur un discours malheureusement populaire en France (la haine du riche) et sur une stratégie populiste. Comme si prendre des mesures favorables à « l’argent » était faire le jeu des riches ; alors que leur but est de bénéficier à l’ensemble de l’économie. Comme si baisser la fiscalité allait coûter à l’Etat, alors qu’en réalité cela consiste à laisser aux Français leur argent, à leur en prendre moins (l’argent n’est pas le bien de l’Etat !).
Le problème du gouvernement, c’est qu’il n’a pas suffisamment pris en compte les « victimes » de ses réformes (ou montré qu’il le faisait) : en conséquence, il est facile de lui rétorquer qu’il fait le malheur des plus fragiles. Ensuite, il n’a pas su inscrire ses projets de réformes dans un discours porteur d’un projet de société : personne ne comprend bien pourquoi on fait telle réforme ou telle autre.
Par exemple, les APL : économiquement, il est rationnel de les baisser car elles ont certainement plein d’effets négatifs sur le marché de l’immobilier, qui nuisent aux plus fragiles. Mais les baisser de 5 euros sans explication a donné l’impression que le gouvernement le faisait uniquement pour faire des économies ou se conformer à un traité européen : c’est idiot, on ne fait pas de la politique pour se conformer à un texte de droit. On fait des économies, parce que c’est bon pour la société, les entreprises, les citoyens, précisément l’objectif du traité de Maastricht ; on réforme les APL pour proposer une nouvelle politique du logement, qui puisse aider les plus fragiles. Mais le gouvernement n’a rien laissé voir de tout cela.
3-Quelles ont été les erreurs commises pour subir un tel décrochage de l’opinion ? Faut il y voir, à l’instar de François Hollande, une incapacité à inscrire l’ensemble des réformes proposées dans un projet concret et cohérent pour les Français ?
Il n’est pas nécessaire qu’il y ait eu de graves erreurs : l’impopularité vient aussi de la faible assise de départ du Président (sous cet angle, 40% des Français qui l’apprécient c’est déjà mieux que 18% des inscrits au premier tour de l’élection présidentielle). Elle vient ensuite, comme je le disais plus haut, du manque d’ambition (qui déçoit) et du manque de pédagogie, d’explication. Les réformes ne s’inscrivent effectivement dans aucun discours de société : le gouvernement ne donne pas de sens à son action.
Emmanuel Macron a voulu être un président « jupitérien » : les Français ont apprécié qu’il redonne du lustre à la fonction ; mais ce n’est pas ce qu’ils veulent en priorité : ils attendent des résultats ! Tant qu’ils ne percevront pas que ce que fait le gouvernement peut produire des résultats positifs, la popularité du président restera fragile. Il lui reste 5 ans, c’est long et suffisant pour changer… s’il agit tout de suite.
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