Voici un texte publié le 31 juillet dans L’Opinion
Fin 2016, Emmanuel Macron publiait Révolution. 80 jours après sa prise de fonction comme président de la République, la rupture révolutionnaire reste incertaine. Si certains sont trop empressés de conclure à l’échec du quinquennat, les infortunes médiatiques du gouvernement restent révélatrices d’une faiblesse. Elles ont porté sur trois points : les baisses d’impôt, le budget de la Défense et l’aide au logement. Trois sujets budgétaires ; ce n’est pas un hasard.
Si le gouvernement peine à emporter la conviction sur la dépense publique, c’est qu’il a éludé le sujet pendant la campagne. Emmanuel Macron a bien parlé de maîtriser les finances, mais la réforme de l’Etat providence n’a pas été clairement proposée. D’où la politique actuelle, faite d’amendements marginaux au modèle existant – et non de «révolution» : on propose de supprimer quelques euros d’APL plutôt que de repenser la politique du logement.
Cette explication vaut dans d’autres domaines. Dans l’éducation, le ministre, excellent connaisseur, répète un slogan de liberté mais ne présente aucune réforme structurelle. En matière institutionnelle, le gouvernement propose de supprimer des postes de parlementaires, mais sans vision de la représentation démocratique ni de la vie politique locale. Les mesures technocratiques se succèdent, guidées par l’obsession budgétaire ; mais personne ne repense l’action publique – seule piste qui permettrait de faire durablement des économies.
Benjamin Griveaux dénonçait la « purge » promise par François Fillon, il se retrouve à Bercy avec Gérard Darmanin, chargé de multiplier les coups de rabot budgétaires. Ensemble, ils découvrent qu’une réforme sans victime, cela n’existe pas
Incompréhension. De là naît l’incompréhension des électeurs : non seulement ils découvrent que l’incarnation de renouveau se transforme en une série d’arbitrages techniques, mais en outre que ceux-ci font mal. La déception est grande, car En Marche! a remporté les élections de 2017 aussi pour être parvenu à inspirer une promesse de «révolution» sans douleur. Face à une droite punitive, le mouvement promettait une alternative réformiste « bienveillante ». En mars, Benjamin Griveaux dénonçait la « purge » promise par François Fillon, il se retrouve à Bercy avec Gérard Darmanin (qui s’indignait du désintérêt de la droite pour les classes populaires), chargé de multiplier les coups de rabot budgétaires. Ensemble, ils découvrent qu’une réforme sans victime, cela n’existe pas.
En décembre 2016, Emmanuel Macron déclarait : « On se fout des programmes, ce qui importe, c’est la vision ». Il avait raison : sa force était de défendre un projet de société, là où ses adversaires LR et PS n’en avaient pas. Son propos était aussi révélateur d’une conception de son mandat : le candidat considérait que l’élan donné par l’élection lui permettrait de faire passer les réformes, même s’il n’était pas entré dans leur détail. C’était faire le pari que les électeurs donnent un mandat à une forme de despote éclairé moderne, à qui ils s’en remettent pour faire pour eux les choix politiques, peut-être même contre leur gré. Des sondages le laissaient croire. Mais ce projet a rencontré deux limites. D’abord, le score relativement contraint du candidat au 1er tour (exceptionnel pour un nouveau candidat ; limité pour un président). Ensuite le fait que partout dans le monde les réformateurs qui réussissent allient programme détaillé et vision : l’un ne va pas sans l’autre. Faute d’avoir expliqué ses mesures, le gouvernement risque de voir sa fenêtre de réformes se refermer… sans que la révolution n’ait commencé.
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