J’ai répondu aux questions d’Atlantico
Atlantico : Est-ce que l’épisode des APL n’est pas la énième preuve qu’il est quasi impossible de réformer la France ?
Erwan Le Noan : Je ne crois pas que la France soit plus rétive au changement que les autres pays. Son problème est que la puissance publique a multiplié les rentes de toutes sortes (statuts des fonctionnaires, distribution de subventions, etc.) : à force de tout figer, plus personne n’a intérêt à faire bouger les choses.
C’est dans ce contexte rigide qu’il faut analyser les débuts d’Emmanuel Macron. Pour réformer efficacement, il faut probablement avoir clairement expliqué avant son élection deux points : (1) quel constat on fait et (2) quelles réformes on veut mettre en œuvre. Or, Emmanuel Macron n’a jamais ni l’un ni l’autre. Il n’a d’abord jamais fait le constat clair qu’il y avait un problème avec la dépense publique (au contraire, il s’est inscrit en opposant à François Fillon qu’on accusait de vouloir faire des « purges »). Il n’a ensuite jamais expliqué clairement comment il voulait baisser la dépense publique. Les électeurs ont voté pour lui en partie parce qu’il semblait promettre la réforme sans douleur. Mais cela n’existe pas ; et on s’en aperçoit aujourd’hui.
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À force de « petites mesures », Emmanuel Macron n’est-il pas en train de gâcher son capital politique pourtant considérable ?
Erwan Le Noan : Emmanuel Macron a bénéficié depuis son élection d’un crédit politique énorme. Il me semble prématuré de dire qu’il l’aurait gâché ou épuisé. Mais il est certain qu’on pouvait s’attendre à ce qu’il fasse de plus grandes réformes dans les premiers temps de son mandat. Plus de 70 jours sont passés depuis sa prise de fonction et pourtant, on ne voit toujours pas poindre la moindre réforme structurelle. Le plus révélateur, c’est la dépense publique : rien n’est annoncé de vraiment sérieux et on en vient à se battre pour 5 euros d’APL (aucune vision de l’Etat ne semblant sous-tendre cette logique de rabot). Mais c’est vrai aussi de l’éducation : l’interview récente de Jean-Michel Blanquer, qui est pourtant brillant et excellent connaisseur du sujet, était particulièrement décevante et ne comportait pas le moindre début de réforme structurelle.
Vu qu’il semble très difficile de réformer la France, ne faudrait-il pas plutôt penser à une refondation totale sur divers sujets (système fiscale, état de providence éducation…) tout en essayant de convaincre les français du bien-fondé de la démarche ?
Erwan Le Noan : Emmanuel Macron a été élu avec un discours qui est fondamentalement social-démocrate : il n’a jamais fait le constat de l’échec de l’Etat-Providence, pour la bonne raison qu’il pense probablement que ce régime est – ou peut-être – efficace, dans la droite ligne de la pensée de la « seconde gauche ». De ce discours ne peut naître aucune rupture.
Mais le succès d’Emmanuel Macron a aussi été permis par l’incapacité de la droite à construire un discours de rupture attrayant, pédagogique et stimulant… La droite n’a pas été capable de définir une vision alternative. C’est pourtant effectivement une voie à creuser.
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En continuant sur cette voie, n’y a-t-il pas un risque que le Macronisme ne soit finalement plus une redite du Hollandisme que la révolution qu’il promettait d’être ?
Erwan Le Noan : Emmanuel Macron n’a pas fait le constat de l’échec de l’Etat Providence. Il s’interdit donc de le révolutionner et se contente d’ordonner des coups de rabots, issus d’arbitrages budgétaires purement « Bercy ». Ce faisant, effectivement, il a des points de ressemblance (en dépit de leurs différences) avec François Hollande, comme je l’avais écrit dans vos lignes en 2012 !
l’entretien complet est disponible ici
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