Ma chronique du 22 mai
Les Républicains ont choisi d’amender leur programme présidentiel. Dans le document qu’ils ont publié en vue des législatives, leurs deux premières propositions sont claires : « Nous n’augmenterons ni la TVA, ni la CSG », « nous baisserons de 10 % l’impôt sur le revenu pour tous les ménages ». Le ton est donné : contrairement au Président Macron, la droite allégera la fiscalité sur les personnes.
Une première raison qui motive l’introduction de ces propositions est évidemment la volonté de répondre à une attente électorale : la colère fiscale a atteint des records pendant le mandat de François Hollande (souvenons-nous du vaudeville autour de la « pause fiscale », de la grogne des Pigeons et de la violence des Bonnets rouges). On la comprend : le taux des prélèvements obligatoires approche de 45 % du PIB et celui des recettes publiques dépasse allègrement les 50 % (autrement dit, pour chaque euro produit en France, les collectivités publiques en confisquent 45 centimes et en perçoivent plus de 5 par ailleurs). Il y a bien longtemps que la droite aurait dû se saisir de ce sujet…
Une seconde raison pour baisser la fiscalité peut être la volonté de rationner l’ogre étatique. Les Prix Nobel Milton, Friedman et Gary Becker ont compté dans les années 2000 parmi les grands défenseurs de cette théorie consistant à « affamer la bête » (starve the beast). L’idée est simple : couper les vivres à Gargantua, pour qu’il s’impose une diète forcée (1).
Le problème de ce projet est qu’il ne fonctionne pas formidablement en pratique. David et Christina Romer ont ainsi montré en 2007 que les baisses de recettes publiques n’entraînaient pas automatiquement la baisse des dépenses (2). En clair : les gouvernants choisissent la voie (plutôt irresponsable) de la facilité, en reportant les dépenses sur les générations futures, à travers la dette. Les dirigeants français sont de grands experts en la matière : en 2005, déjà, le rapport Pébereau dénonçait leur légèreté coupable. A l’époque, la dette était de 67 % ; elle approche des 100 % aujourd’hui (3).
Pour que leur proposition soit solide, Les Républicains devraient compléter leur programme afin qu’il soit plus robuste sur la réduction résolue des dépenses publiques. Deux voies s’offrent à eux. D’abord, ils peuvent réfléchir à des pistes dans le cadre du système existant, c’est-à-dire d’un Etat-providence obèse conçu au siècle précédent, pour tenter de le rendre un peu plus efficace. C’est la politique social-démocrate. Sinon, ils pourraient repenser radicalement l’ensemble des missions publiques.
Les questions sont nombreuses : comment rénover le service public pour garantir des prestations de qualité à tous les citoyens, sans gaspiller leur argent ? Comment repenser l’intervention des collectivités comme pilotes et évaluatrices de prestations collectives fournies, par exemple, par le privé en concurrence ? Comment favoriser la démocratie, plutôt que l’oppression, fiscale ?
La dépense publique et la fiscalité ne sont que les versants d’une question fondamentale : la place de l’Etat en France. Malheureusement, aucun de nos dirigeants, quel que soit le bord politique, ne propose de relever le défi.
(1) Friedman, What every American wants, Wall Street Journal, 2003
(2) Romer & Romer, Do tax cuts starve the beast ?, NBER, 2007
(3) Institut de l’entreprise, Dépense publique, l’état d’alerte, 2017
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