Ma chronique du 8 mai 2017
Le succès d’Emmanuel Macron confirme en politique la loi économique énoncée autrefois par Jean-Baptiste Say : l’offre crée la demande. Le candidat d’En Marche !, qui a eu le talent de profiter de circonstances particulières et de la déconfiture de ses adversaires, a réussi à proposer une offre qui a rencontré un succès électoral.
Sur le fond programmatique, cette offre est loin de la disruption : Emmanuel Macron ne propose pas la sortie de l’étatisme centralisateur ni le grand bond dans une nouvelle société numérique. Dans le droit fil des positions défendues par l’élite administrative depuis des années, il adopte le compromis social-démocrate, fait d’une pointe de souplesse économique alliée à une dépense publique massive.
Son discours réforme toutefois la gauche, conduisant le PS à rejoindre officiellement la ligne que ses homologues européens ont adoptée il y a longtemps, qu’il défendait officieusement (depuis Jospin et jusqu’à Hollande, aucun de ses candidats à l’élection présidentielle n’était issu de l’aile gauche du parti) et qu’il mettait en œuvre au gouvernement avec Manuel Valls. La carte électorale d’En Marche ! semble d’ailleurs indiquer une correspondance avec l’électorat socialiste, mordant sur une partie de la droite qui a toujours eu plus d’admiration pour Gerhard Schröder, Tony Blair et Bill Clinton qu’Angela Merkel, Margaret Thatcher et Ronald Reagan. En somme, Emmanuel Macron a poursuivi ce qu’Albert Thibaudet désignait sous le nom de sinistrisme, ce mouvement qui pousse progressivement les partis de gauche sur leur droite.
Sur la forme, le succès d’Emmanuel Macron montre qu’en politique le programme ne suffit pas, c’est l’incarnation qui est clé (ce que prouve aussi, à l’inverse, l’échec de François Fillon) : l’électeur préfère un produit social-démocrate jeune et sympa à une révolution conservatrice austère et soupçonnée d’être viciée. Cette campagne remet à leur place ceux qui doutaient de l’importance de la communication en politique.
Innover et rajeunir. Reste à savoir comment cette élection va affecter le paysage politique français.
Emmanuel Macron a dit vouloir un gouvernement qui soit « un large rassemblement, de Jean-Yves Le Drian à Xavier Bertrand ». En somme, il veut un En Marche ! en position dominante au centre de la vie politique ou inscrit dans un oligopole rassemblant une partie de la gauche et de la droite. A ses marges, le rassemblement présidentiel aurait ainsi un PS amoindri et des LR divisés, assurant sa stabilité au pouvoir. Le risque dans cette configuration est que les seules alternatives sur le marché politique soient les insoumis et le Front national…
Pour la droite, l’enjeu est majeur. Elle a pourtant une piste claire : comme souvent, devant un horizon concurrentiel bouché, la meilleure voie est celle de l’innovation et de la disruption. Celle-ci doit se faire sur le fond, avec un produit programmatique rénové. Les Républicains le savent et se divisent déjà, poursuivant les débats de clarification idéologique engagés avec le succès de Nicolas Sarkozy à l’UMP en 2005, alors en rupture avec le chiraquisme radical-socialiste. Mais la rénovation devra aussi se faire sur la forme : si elle veut constituer une offre attractive, la droite ne pourra pas le faire avec ceux qui la dirigent depuis dix, vingt ou trente ans. En ce sens, l’élection d’Emmanuel Macron est un signal pour les élus les plus jeunes ou les plus récents : ils peuvent tenter leur chance !
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