Ma chronique du 24 avril 2017
Il y a quelques mois, un constat dramatique et un espoir émergeaient : cette fois, l’élection présidentielle serait celle de la dernière chance ; elle donnerait l’occasion d’engager un « vrai » débat sur l’avenir du pays et constituerait une opportunité unique pour réfléchir aux « vraies » solutions. Evidemment, il n’en fut rien.
Un sujet en particulier a été peu abordé : celui de l’Etat. Quel paradoxe ! Dans un pays où l’on se vante d’avoir une vision spécifique de l’action publique, où l’incantation politique ne cesse de rappeler le rôle si particulier de l’Etat dans l’histoire de la Nation, où l’administration n’en finit pas de justifier ses privilèges par le fait qu’elle servirait le seul détenteur légitime de l’intérêt général !
Quand la discussion a été abordée, elle ne s’est faite que sous l’angle du « rabot », engageant des débats d’apothicaires sur le niveau de réduction des dépenses à mettre en œuvre. L’objectif est évidemment pertinent (et il faut déplorer que seul François Fillon l’ait mis en avant) ; mais il n’épuise pas le sujet, loin de là.
Réduire la gabegie est vital pour notre économie et notre société : chaque euro de dépense publique prive l’initiative privée et asphyxie la liberté (1). Pour autant, cette coupe nécessaire ne peut se faire sans engager une réflexion sur ce que doivent être les contours de l’action publique qui sera conservée. Comment l’Etat doit-il se transformer ? Quels services publics la collectivité doit-elle financer et comment en assurer leur prestation ? A quelques productions près (2), la réflexion est d’une pauvreté affligeante en France, alors qu’elle est stimulante dans les pays anglo-saxons (3).
Comment l’expliquer ?
Une première raison, c’est que chaque Français bénéficie, directement ou indirectement, de la dépense publique. Ceux qui reçoivent des transferts sociaux ont peur de les perdre : c’est compréhensible, dans un pays figé où ils n’ont souvent aucune opportunité de réussite. Les plus favorisés craignent de voir les prestations se réduire, alors que leurs impôts resteront, eux, au même niveau. C’est légitime : l’exaspération fiscale a atteint des sommets. Les élus le savent : ils préfèrent laisser pudiquement le sujet de côté.
Une seconde raison, plus structurelle encore, est que dans notre pays (et c’est l’une de ses particularités), le débat intellectuel est façonné par l’Etat (4). De façon indirecte, puisqu’il distribue les aides et subventions. Mais aussi de façon très directe : en France, ce sont des institutions publiques (France Stratégie ; Trésor ; conseils, centres et commissions divers) qui, dotées de moyens énormes, produisent les nouvelles idées et les diffusent, façonnant le débat et l’opinion, relayées ensuite par une élite qui est, plus souvent qu’ailleurs, issue de la fonction publique. Ce faisant, elles asphyxient la production intellectuelle.
Sans une réflexion profonde sur la conception de l’Etat, celui-ci encombrera la vie économique, politique et sociale de notre pays. Ce défi devrait être une priorité pour les esprits indépendants !
(1) Voir chronique du 26 mars
(2) Voir les rapports de Terra Nova en 2011 et de la Fondation croissance responsable en 2015
(3) Voir par exemple l’ouvrage de J.Micklethwait et A.Wooldrige, The fourth revolution ; ou celui de E.Schmidt et J.Cohen, The new digital age
(4) J. Campbell, O. Pedersen, The national origins of policy ideas, 2014
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