Ma chronique du 18 avril 2017
Dans moins d’une semaine, les Français voteront pour le premier tour de l’élection présidentielle. Ce dimanche marquera le début de la fin de la période électorale, après des mois d’une campagne affligeante et angoissante. A quelques jours du scrutin, de nombreux électeurs semblent rester indécis et hésitent à départager les principaux candidats qui, dans les derniers sondages, se suivent dans un mouchoir de poche.
Le résultat du 23 avril se jouera donc à la mobilisation des électeurs de chaque camp. Pour attirer leurs troupes, les candidats vantent leurs programmes mais ils mettent également en avant le « vote utile » : Jean-Luc Mélenchon clame qu’il serait ainsi le seul à promouvoir une « vraie » gauche (laquelle semble faite d’irresponsabilité économique, de menaces pour les libertés publiques et d’alliances internationales périlleuses) ; François Fillon défend qu’il incarnerait le vote pour la « vraie » réforme ; Marine Le Pen prétend qu’elle serait la seule à défendre le « vrai » « dégagisme » ; et Emmanuel Macron explique qu’il serait, lui, le seul en capacité de battre les autres candidats au second tour…
Le vote utile a été examiné par l’analyse économique qui oppose le vote « stratégique » au vote « sincère » : alors que le second est déterminé par la seule préférence de l’électeur, le premier s’établit par référence aux choix des autres citoyens. Dans le cadre d’un système bipartisan, avec élection à un tour, c’est une logique qui nuit au troisième parti : les votants préfèrent choisir l’un des deux leaders, pour garantir « l’utilité » de leur vote. C’est ce qui explique notamment la difficile émergence des Lib-Dem britanniques (1). En France, ce réflexe a favorisé Ségolène Royal en 2007, les électeurs de gauche écartant leurs préférences idéales pour garantir sa qualification. A l’inverse, c’est aussi le vote « stratégique » qui avait éliminé Lionel Jospin en 2002, les votants souhaitant utiliser leur bulletin pour envoyer un signal idéologique au PS (2).
De façon intéressante, dimanche prochain, le vote utile pourrait peut-être rejoindre le vote « sincère »
Concurrents illégitimes. Compréhensible du point de vue des électeurs, la revendication de l’utilité l’est parfois moins de la part des candidats : elle tend implicitement à diffuser l’idée que leurs concurrents seraient inutiles, voire illégitimes. D’une certaine manière, on y verrait presque un abus de position dominante : le candidat le plus fort dénigre ses adversaires en profitant de sa situation favorable, pour la renforcer encore plus et contourner la concurrence qui devrait se faire sur la qualité des offres.
De façon intéressante, dimanche prochain, le vote utile pourrait peut-être rejoindre le vote « sincère ». Car à bien y regarder, l’offre politique s’est clarifiée. Quatre candidats mènent la bataille : l’une est d’extrême droite, un autre de droite, un est social-démocrate et un dernier d’extrême gauche. En somme, cela correspond au schéma classique entre FN, UMP/LR, PS (reconfiguré Macron) et PCF (transfiguré Mélenchon). Si l’on exclut les extrêmes, l’affrontement entre gauche et droite est donc clair. Il reste à savoir où les électeurs placeront leurs préférences entre ces deux camps !
(1) Cox, Making votes count, 1997 cité in Mueller et al. Choix publics, De Boeck, 2010
(2) Blais, Strategic voting in the 2002 French presidential election ; Farvaque, Jayet, Ragot, Y a-t-il eu un vote stratégique lors de la présidentielle de 2007 ? ; cités in Farvaque, Paty, Economie de la démocratie, De Boeck, 2009
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