Ma chronique du 7 mars 2017
De la même façon que les dirigeants d’entreprise apprennent le « management du changement », engager la réforme d’un pays ne s’improvise pas. C’est même une affaire de méthode, qui peut être analysée en observant l’histoire et ce qu’ont fait nos partenaires étrangers (1). A cet égard, il est inquiétant de constater que la capacité du prochain président de la République à mener un mandat réformateur est loin d’être assurée.
En matière de réformes, tout se joue avant l’élection : une première condition de succès est la clarté du constat. Formuler expressément les difficultés d’un pays et désigner précisément les sources des blocages permet de se mettre d’accord avec l’opinion sur ce qui doit être changé et pourquoi. Il doit en découler un programme, qui détaille la façon de réformer. C’est grâce à la commission Hartz que Gerhard Schröder avait imposé son analyse des défis de l’Allemagne et pu engager les réformes qui y répondaient. A l’inverse, un constat flou apporte des réponses évasives et contestées : ce fut le cas de la « loi travail ».
La clarté du constat est la force du programme de la droite : depuis longtemps, François Fillon a expliqué la « faillite » de l’Etat providence et proposé de rétablir ses comptes. Emmanuel Macron, à l’inverse, reste dans le vague : il ne formule jamais clairement les causes de nos difficultés. Cela lui évite d’admettre la déconfiture du modèle socialiste et le naufrage du mandat de François Hollande. Cette ambiguïté a du sens électoralement, permettant de concilier les contraires et autorisant chacun à projeter ce qu’il souhaite sur les propos du candidat ; mais elle risque de préparer des lendemains qui déchantent, comme en 2012.
Crédibilité. Une deuxième condition de réussite d’un quinquennat audacieux, c’est la crédibilité du président et la solidité de sa majorité : sans exemplarité, il est difficile de tenir le cap des réformes ; sans cohésion le gouvernement menace de tomber à chaque soubresaut. Si l’affaire Cahuzac a fait beaucoup de mal à François Hollande, les frondeurs ont achevé de tuer ses rares velléités réformistes.
De ce point de vue, l’affaire « Penelope » a considérablement affaibli le crédit de François Fillon. S’il est élu, et si la fronde ne persiste trop violemment, il lui faudra compter sur l’unité de sa majorité, d’ailleurs plutôt rompue à la fidélité partisane, et la ténacité de son Premier ministre. La crédibilité d’Emmanuel Macron trouve sa principale menace dans son atout majeur, puisqu’elle repose sur une hyperpersonnalisation. S’il est atteint, sa capacité à gouverner souffrira fortement ; d’autant plus que sa majorité s’annonce composite et peu habituée à la discipline de parti : il ne peut être exclu qu’elle se décompose à la première bourrasque.
Une hypothèse n’a pas été discutée parmi ceux qui tiennent la corde dans les sondages : Marine Le Pen. Son constat prétend être cohérent, en désignant des coupables à tous nos maux (l’Union européenne, l’immigration, la mondialisation…). Il est d’ailleurs critique que trop peu de candidats le contestent sérieusement. Sa faiblesse immense réside dans l’inconsistance parlementaire du FN, parti que l’on sait lui aussi divisé : avec qui gouvernera-t-elle ? La question est d’autant plus inquiétante qu’elle se rapproche du pouvoir, pour engager les projets les plus dangereux, comme une sortie de l’euro…
(1) Erwan Le Noan, Matthieu Montjotin, Gouverner pour réformer, note pour la Fondapol
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