L’Opinion / Trump peut-il être milliardaire et président ?

Papier paru le 28 novembre dans L’Opinion

L’économiste américain Gordon Tullock, père de l’école des « choix publics », avait l’habitude de dire que si le Gouvernement n’est pas un facteur de production, il peut être un facteur de profit, les opérateurs économiques pouvant tirer des revenus de leur proximité avec l’administration. L’arrivée à la Maison Blanche d’un homme d’affaires en activité soulève de nombreuses interrogations de ce point de vue : comment éviter les conflits d’intérêt ?

Les problèmes se posent déjà de manière très concrète. Quand les représentants d’Etats étrangers séjourneront dans le nouvel hôtel Trump à Washington pour la prestation de serment en janvier, ne seront-ils pas en train d’enrichir le nouveau président ? Celui-ci ne risque-t-il pas par ailleurs d’utiliser sa position pour favoriser ses intérêts ? La problématique est d’autant plus complexe que la fortune de Donald Trump repose sur sa « marque », qu’il distribue sous licence. Faut-il considérer que chaque apparition médiatique sera une occasion pour lui de s’enrichir ?

Des Représentants Démocrates ont commencé à s’interroger : la Deutsche Bank, qui prête 650 millions de dollars au groupe Trump, est aussi engagée dans un conflit avec le Trésor des Etats-Unis qui veut lui infliger une amende de 5 milliards. La négociation devra se faire avec le ministre de la Justice que va nommer d’ici peu… son client Donald Trump !

L’inquiétude émerge d’une résurgence du « crony capitalism », le « capitalisme de copinage », qui conduit des firmes à tirer profit de leurs relations avec le pouvoir. L’économiste américain Luigi Zingales écrivait en 2012 dans le Wall Street Journal que « les pires conséquences du capitalisme de copinage sont politiques. Plus un système est dominé par les copains, plus il génère de ressentiment. Pour maintenir le consensus, les insiders doivent distribuer privilèges et subventions – et plus ils distribuent, plus la demande grandit ». Le système s’auto-entretient … et dépérit.

Le risque n’est pas neuf et, à vrai dire, il avait déjà émergé pendant la campagne à l’encontre de Hillary Clinton, qui avait bénéficié du soutien financier d’un public très fortuné (en septembre, 0,1% de ses donateurs avaient ainsi fourni près de 40% de ses financements).

Il n’est pas non plus qu’américain. Mais il est réel : une étude avait montré qu’en Italie, les budgets publicitaires attribués par les entreprises aux chaînes de Silvio Berlusconi avaient crû d’un milliard d’euros quand il était au pouvoir (1).

Pour contrer ces pratiques, les économistes recommandent généralement de favoriser la concurrence, qui déstabilise et stimule les acteurs économiques et politiques en place, et la transparence, qui permet une surveillance du marché. Aux Etats-Unis, les juristes regardent actuellement avec attention une disposition de la Constitution qui interdit au chef de l’Etat de recevoir des émoluments de la part de puissances étrangères. Son application est stricte et les équipes du Gouvernement l’avaient très sérieusement étudiée avant d’autoriser le Président Obama à recevoir le prix Nobel de la Paix (et les 1,4 millions de dollars qui vont avec). Ils avaient conclu que le Comité Nobel n’est pas une « puissance étrangère ». Pas sûr que cela soit aussi simple avec la famille Trump…

(1) S. DellaVigna, R. Durante, B. Knight, E. La Ferrara, Market-based lobbying : evidence from advertising spending in Italy, NBER, 2013

 

http://www.lopinion.fr/edition/international/trump-peut-il-etre-milliardaire-president-115254

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