Ma chronique du lundi 14 novembre, publiée dans L’Opinion
Les étudiants en marketing le savent : « Le client est roi. » Pour avoir un business prospère, il faut donc savoir répondre à ses attentes. Aujourd’hui, il réclame du sens, de la participation et de l’individualisation : c’est pour cela que les marques se tournent vers la promotion de messages « éthiques », qu’elles favorisent l’implication de leurs clients (jusqu’à créer des « communautés ») et qu’elles prennent soin de leur porter une attention particulière.
S’il y a un « responsable » politique qui l’a compris, c’est Donald Trump. Depuis longtemps, il a fait de sa personne une marque à part entière, à l’identité forte. Pendant sa campagne, il a martelé ses messages, captant mieux, à l’évidence, les sentiments (et le ressentiment) des électeurs là où il le fallait : il a raflé la mise dans les « swing states ». Un réflexe a conduit de nombreux commentateurs à remettre implicitement en cause le choix du peuple : irrationnel, colérique, voire guidé par les « ploucs » du Middle West.
Dans une économie de marché, il n’est jamais bien inspiré pour une entreprise d’expliquer ses échecs par l’incompétence de ses clients. Quand un produit échoue, c’est qu’il n’a pas répondu aux attentes. En ce sens, la victoire de Donald Trump marque la défaite de Hillary Clinton et non celle de la démocratie, ni des électeurs américains. Elle témoigne aussi, et c’est là un défi immense à relever, d’une crise de l’offre des partis modérés du monde occidental.
Les partis traditionnels peinent à incarner un projet de société. Les populistes tiennent à l’inverse un discours qui, s’il ne s’embarrasse pas de crédibilité, paraît porteur de (contre)sens. Le parallèle avec la France est très net : gauche et droite ne proposent au mieux que des arbitrages technocratiques
De la Grande-Bretagne à l’Australie en passant par le sud de l’Europe, les partis traditionnels peinent à incarner et défendre un nouveau projet de société. Les contestataires et populistes de tous poils tiennent à l’inverse un discours qui, s’il ne s’embarrasse pas de crédibilité, paraît porteur de (contre)sens et rencontre l’attention populaire. Le parallèle avec la France est très net : gauche et droite ne proposent au mieux que des arbitrages technocratiques, des programmes en forme de longues listes de mesures de détail. L’électeur est bien en mal de dire comment les différents candidats projettent la France vers l’avenir, de quelle façon ils l’imaginent dans vingt ans et pourquoi il faudrait s’engager à réformer…
Fort heureusement, à la différence de la France, les Américains n’élisent pas un monarque tout-puissant, mais un Président aux pouvoirs constitutionnellement encadrés par un texte qui n’a été modifié que 27 fois (dont 10 fois en 1791) en 230 ans. Surtout, la charte fondatrice de la république américaine repose sur la promotion d’une concurrence entre ses institutions : les « founding fathers », qui avaient lu Montesquieu, ont tout fait pour que « par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Celui-ci est divisé horizontalement (entre le législatif, l’exécutif et un judiciaire puissant) et verticalement (le fédéralisme). Chez nous, la Constitution a été modifiée 24 fois depuis 1958 (19 fois depuis 1992), et elle octroie un pouvoir immense au président souverain : c’est un rempart plus fragile pour préserver les droits.
L’élection de Donald Trump est un coup de semonce, après celui du Brexit. Ces deux événements ouvrent une période d’incertitudes. Ils sonnent comme une alerte. La réponse au populisme ne se trouve toutefois pas dans la dénonciation du peuple, mais dans le renouvellement de l’offre. Ne pas savoir entendre ses clients, c’est courir à sa perte.
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