En 1986, Tom Cruise triomphait dans « Top Gun », film culte sur les pilotes de chasse américains, à l’époque de Reagan, Gromyko, Thatcher, Mitterrand et de la Guerre froide. A priori, les points communs entre le sémillant acteur dans son rôle de militaire et Emmanuel Macron, ex-ministre-de-l’Economie-futur-candidat-à-la-présidentielle ne sont pas évidents. Et pourtant ! Certes, l’un et l’autre déroulent un scénario bien ficelé dont ils sont les héros ; mais leur similarité n’est pas là. Dans « Top Gun », Tom Cruise s’appelait « Maverick » ; ce surnom pourrait convenir également à Emmanuel Macron.
Le mot, passé dans le langage courant anglo-saxon, est un hommage à Samuel Maverick, responsable politique texan du XIXe siècle ; il désigne un « esprit indépendant ». Il est bien connu des spécialistes du droit de la concurrence car, dans leur jargon, un « maverick » désigne un « franc-tireur » : un entrepreneur déterminé qui, par sa stratégie innovante, perturbe l’ordre du marché ; une petite entreprise qui, tout en restant un opérateur de second rang, ne cesse de stimuler les géants. Si le « maverick » n’entre pas dans la cour des grands, il ne cesse de frapper à leur porte, les obligeant à se remettre en cause.
Emmanuel Macron veut être à la politique ce que Free fut à la téléphonie : un trublion qui dépoussière le secteur. […] Dans le secteur des télécoms, comme en politique, une consolidation semble nécessaire un jour ou l’autre pour accéder à la première marche
D’une certaine façon, c’est le rôle assumé par Emmanuel Macron dans cette campagne. D’abord sur la forme : depuis qu’il est parti du gouvernement et qu’il avance sur sa rampe de lancement, il a multiplié les interventions qui construisent autour de lui l’image d’un homme politique d’un genre nouveau, voire disruptif. Il a travaillé ses apparitions : ses meetings s’inspirent des « keynotes » dont raffole l’élite branchée et même son écurie veut ressembler à une start-up. Avec un certain succès, il cherche à ringardiser par contraste ses adversaires, les reléguant à des offres électorales passées.
Franc-tireur. Sur le fond, en bon franc-tireur, il envoie des piques et lance quelques ballons d’essais. Ici, il attaque ses adversaires. Là, il crée l’événement autour de discours dans lesquels il n’établit pas encore de propositions, mais dessine un horizon (cette ligne qui s’éloigne à mesure qu’on s’en approche). Il est un empêcheur de tourner en rond – on le mesure à l’agacement qu’il suscite chez ses compétiteurs réels ou putatifs.
Le plus dur reste toutefois à faire. En quelques années, Emmanuel Macron a réussi à s’installer dans la position de l’aiguillon de la gauche, voire de la vie politique nationale. Son défi maintenant est de ne pas s’y laisser enfermer. On rencontre souvent au niveau local, des opposants « à vie » : les citoyens les apprécient, ils sont efficaces mais ne parviennent jamais à conquérir le pouvoir, précisément parce que leur utilité réside dans leur fonction de stimulant contestataire. S’il ne dessine pas une offre un peu plus concrète, le leader d’En Marche! prend le risque de rester dans la position du start-uper sympathique, du « maverick » utile.
Emmanuel Macron veut être à la politique ce que Free fut à la téléphonie : un trublion qui dépoussière le secteur. Il partage avec l’opérateur une stratégie médiatique offensive, visant à capter la place de l’innovateur. Mais si Free a percé, il n’est jamais parvenu au sommet du marché. Dans le secteur des télécoms, comme en politique, une consolidation semble nécessaire un jour ou l’autre pour accéder à la première marche.

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