L’Opinion / Choix publics – Primaire de la droite: faut-il un cartel de bonne conduite?

Ils n’auront probablement pas l’audience de Donald Trump et Hillary Clinton, mais les candidats de la « primaire ouverte de la droite et du centre » vont prochainement s’affronter dans une série de débats télévisés. Et le moins qu’on puisse dire est que les hostilités sont ouvertes !

Les sept impétrants tirent à boulets rouges. Bruno Le Maire agace Alain Juppé, qui le tacle. Jean-François Copé et François Fillon ciblent Nicolas Sarkozy, qui rend coup pour coup. Les commentateurs jubilent. Dans le marigot, tout le monde patauge et s’éclabousse. De là à conclure, comme Alain Juppé (dont on n’a pas bien compris s’il s’incluait dans sa remarque) que le débat est « nul », il n’y a qu’un pas…

Les appels à plus de modération n’ont pourtant pas manqué. Alain Juppé, justement, avait le premier suggéré de respecter un « code de bonne conduite », rencontrant un accueil pour le moins timoré de ses compétiteurs. La faille de cette proposition, c’est qu’elle est structurellement vouée à l’échec : on ne triche pas avec le marché !

Règles de la compétition. Proposer un « code de bonne conduite », cela revient de fait à suggérer d’organiser une entente entre les participants à la primaire. L’idée consiste à faire en sorte que, comme dans le domaine économique, les concurrents s’extraient des règles de la compétition : au lieu d’être soumis à la dynamique du marché, ils cherchent à se coordonner pour en réduire l’intensité à leur profit. La collusion est d’ailleurs d’autant plus facile qu’il y a peu d’opérateurs en lice. L’argumentaire est classique : il s’agit de préserver une offre prétendue de qualité, le processus concurrentiel étant supposé niveler. En pratique, l’effet est toujours le même : les concurrents assurent leur confort et les clients sont lésés.

Dans le domaine électoral, ce sont les citoyens qui en seraient les victimes. Car après tout, si les candidats choisissent une ligne faite d’agressions verbales peu honorables, voire de coups franchement bas, c’est aussi une part de leur offre – et de leur personnalité – qu’ils révèlent. L’électeur devrait pouvoir le savoir lorsqu’il effectuera son choix. Vouloir le lui cacher revient au fond à se défier de sa capacité à faire un choix suffisamment éclairé ; mieux vaut lui tenir la main. Dans chaque entente, il y a l’idée qu’il faut se méfier du consommateur.

Gentlemen de salon. Quoi qu’il en soit, cette entente n’aurait de toute manière aucune perspective de survie. Pour durer, une entente doit reposer sur une certaine harmonie des intérêts des participants. Ce n’est évidemment pas le cas ici : comme dans un appel d’offres, le gagnant de la primaire raflera 100 % du marché et les autres, perdants, repartiront avec une part nulle. La concurrence en est d’autant plus exacerbée. Surtout, pour pouvoir exister à long terme, l’entente doit être douée de moyens de sanction : en l’espèce, personne n’a la capacité de sanctionner le candidat qui dévierait de la ligne commune. Pour ces raisons, les ententes ne durent généralement pas. Constance Monnier l’a montré cette année dans une recherche passionnante sur les cartels, actualisant en partie des travaux menés avec Emmanuel Combe.

L’entente n’est donc pas la voie qui conduira les candidats à devenir des gentlemen de salon. Pour emporter la conviction du consommateur et pour sortir du marais d’un discours politique qu’on considérerait dégradé, il n’existe qu’une solution : proposer une meilleure offre. Le consommateur l’attend encore…

Publicité

Répondre / Commenter

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑

%d blogueurs aiment cette page :