Mon papier dans Le Figaro du 4 mars 2015
S’il est un poncif qui semble être partagé par l’ensemble du spectre politique français, c’est celui du « protectionnisme intelligent ». Cette forme de xénophobie commerciale, qui pose pour principe non démontré que les produits nationaux sont nécessairement préférables aux étrangers, retrouve ces derniers mois une vigueur teintée d’anti-américanisme. Les extrêmes, qui une nouvelle fois se rejoignent, ont placé au cœur de leurs diatribes le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP). Les craintes que véhiculent ces activistes de la peur en revendiquant une Europe d’assiégés sont révélatrices d’une France défaitiste.
Le TTIP devrait être l’occasion, pour une Europe conquérante, d’affirmer les avantages économiques du commerce international, au bénéfice de tous. Sur la scène des échanges mondiaux, l’Union européenne n’est pas un nain impuissant : c’est une force gigantesque, un géant colossal.
Les États-Unis sont le premier partenaire de l’Union européenne (environ 17% de nos exportations de biens et 10% de nos services) et représentent un tiers de nos investissements internationaux (et 40% de ceux qui arrivent sur notre continent).
Pour des pays qui se projettent dans l’avenir avec confiance et ambition, le partenariat transatlantique ne devrait pas être un repoussoir cathartique mais un démultiplicateur d’opportunités : pour les entrepreneurs des deux rives, c’est un marché de 820 millions de consommateurs, représentant près de la moitié du PIB mondial, qui va s’ouvrir, faisant tomber des barrières artificielles qui bloquent, par exemple, l’accès des entreprises européennes aux marchés publics américains. Selon les économistes (Cepii, CEPR), le commerce transatlantique pourrait croître de 50% et le PIB européen augmenter de 100 milliards d’euros. Pour les familles européennes, cela constituerait un gain de 545 euros par an.
Mais la France s’est résignée. Comme dans tant d’autres domaines, elle a acté qu’elle renonçait à la grandeur, à l’énergie créatrice, à la croissance victorieuse. Se repliant sur les restes décrépis de son succès passé, elle s’enferme dans la sinistrose : depuis vingt ans, elle s’est engagée dans une politique de misère, dont la seule ambition déprimée consiste à figer et repartir les difficultés plutôt qu’à conquérir de nouveaux horizons.
Naguère si audacieux, notre pays a rejoint le camp des frileux, poussé par des bonimenteurs qui prospèrent sur son désespoir. En dépit des garanties récurrentes de protection des consommateurs, la France tremble à l’idée farfelue que des produits novateurs ne perturbent sa quiétude moribonde. À l’agonie économique, elle exige de décliner en paix dans la mémoire d’un passé fantasmé.
En refusant d’être offensive, la France se condamne à devenir une économie secondaire dans une Europe marginalisée. Le centre de gravité du commerce mondial est en train de basculer, à une incroyable vitesse, du côté de l’Asie et du Pacifique. L’ébullition inventive mondiale accélère les échanges, multiplie les richesses. À nous morfondre dans nos déprimes sclérosantes, nous nous retrouverons bientôt à l’écart du dynamisme international. Le refus angoissé du TTIP n’est que la dernière illustration de cette renonciation au monde.
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