Mon papier dans Les Echos du 3 novembre 2014 (LIEN)
Lorsqu’il était ministre de l’Economie, Arnaud Montebourg, socialiste étatiste, dénonçait la dictature des consommateurs et vilipendait la concurrence qui faisait baisser les prix, au détriment des producteurs. Par un curieux paradoxe, son successeur à Bercy, Emmanuel Macron, socialiste libéral, s’inscrit dans une ligne assez proche. Depuis quelques jours, le ministre de l’Agriculture et lui réclament que les distributeurs alimentaires mettent fin à leur « guerre des prix ».
La situation est pour le moins étrange : pour lutter contre la déflation, le gouvernement organise la hausse arbitraire des tarifs. Au nom de l’intérêt général, la gauche au pouvoir se préoccupe donc d’entamer le pouvoir d’achat des Français et d’enrichir les capitalistes (et pas les plus pauvres), en les incitant à se préserver de la concurrence… Doit-on s’attendre à ce que demain easyJet et Free soient priés d’augmenter aussi leurs tarifs ? D’autres pistes sont pourtant possibles, plus dynamiques et surtout plus positives.
La baisse des prix est un phénomène normal dans une économie concurrentielle. Si un producteur dégage des marges importantes, des concurrents sont susceptibles d’entrer sur le marché pour développer leur propre activité et obtenir leur part du gâteau. Pour répondre à ce défi, les opérateurs en place peuvent, sommairement, mettre en oeuvre deux stratégies.
La première est celle du « low cost ». Elle conduit à rationaliser les coûts : l’offre est standardisée, les services réduits au strict nécessaire, les options payantes. La diminution des prix de vente doit être compensée par l’augmentation des quantités vendues. Dans la distribution alimentaire, cette stratégie a été celle du « hard discount » qui propose des produits présentés dans des rayons sans fard – voire dans les palettes, comme le fait Costco. C’est également celle des acteurs traditionnels quand ils développent leurs produits « sous marque de distributeur ».
Dans l’aérien, cette stratégie a permis la démocratisation du transport par avion, comme l’a montré Emmanuel Combe dans ses travaux pour la Fondation pour l’innovation politique. Elle met, de fait, la pression sur les acteurs en place et conduit à une baisse des prix.
La seconde stratégie est celle du « luxe », qui consiste à monter en gamme, c’est-à-dire à offrir des produits uniques, que les concurrents ne proposent pas, ou à les accompagner de services attentionnés et rares (marketing, design, conseils à la clientèle). La valeur ajoutée apportée par le savoir-faire est si particulière, qu’elle justifie un prix élevé. Dans la distribution, c’est sur ce segment que se sont placés des supermarchés de centre-ville, comme Monop’ et ses produits hauts de gamme.
La stratégie du « luxe » est celle du commerce de détail traditionnel, de l’artisanat d’art et du service personnalisé. C’est celle qui maintient des prix élevés et permet à la France de garder sa compétitivité dans la concurrence internationale.
Dans les deux stratégies envisagées, c’est l’innovation qui permet de recréer des marges. Face à la concurrence, c’est la création de nouvelles offres, de nouveaux modes de consommation et de ventes qui créent la possibilité d’augmenter les prix. Une partie de la grande distribution est d’ailleurs engagée dans cette dynamique : elle est positive et ambitieuse. Pour être mise en oeuvre cependant, cette stratégie suppose de bénéficier d’un environnement favorable, d’une réglementation encourageante, d’une fiscalité facilitante. Cet agenda de réformes structurelles est beaucoup plus complexe. C’est pourtant celui qui porterait notre économie vers le haut et proposerait une réponse ambitieuse à la déflation dans l’alimentaire.
En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/04/11/2014/LesEchos/21807-041-ECH_alimentaire—comment-sortir-de-la-baisse-des-prix.htm#QCOJW4epOSVz2wse.99
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