Voici le texte de ma chronique : OGM : comment la France se prive du potentiel de croissance de l’alimentation 2.0
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L’excès de précaution fait obstacle au progrès scientifique, condamnant la France à passer à côté de la révolution qui est en train de se jouer dans les casseroles. Décryptage comme chaque semaine dans votre rubrique du buzz du biz.
l’heure d’Internet et du numérique, l’innovation n’est pas réservée aux geeks : elle se joue aussi dans la cuisine. A en croire le buzz et les relais dans la presse, c’est une véritable révolution qui est en train de se jouer dans les casseroles… ou plutôt les éprouvettes.
Dans l’alimentation, il y a d’abord les projets fous. Ceux qui font se renverser sur leur chaise plus d’un Français amoureux des produits traditionnels et défenseurs de la gastronomie nationale. Ceux qui annoncent la « fin de la nourriture »… Soylent est le plus emblématique d’entre eux, comme le montrait le New Yorker récemment dans un long reportage consacré à la start-up : ses fondateurs ont entrepris de remplacer les repas par une solution buvable, équilibrée et finement dosée.
Heure numérique oblige, la recette est en accès libre et la communauté des consommateurs travaille chaque jour à l’enrichir et la commenter.
Tout le monde ne travaille pas à la « fin de la nourriture » ; il y a aussi tous ceux qui cherchent, testent, innovent. C’est l’œuvre de Monsanto, LE leader mondial de l’agroalimentaire. Le groupe, qui fait l’objet d’articles denses ces dernières semaines (voir Les Echos ou Le Figaro), travaille à des innovations alimentaires, notamment fondées sur des organismes génétiquement modifiés (« OGM »). Pour ses détracteurs, c’est la fin des haricots ! Pour ses défenseurs, au contraire, Monsanto avance des pistes permettant d’assurer une meilleure productivité mais également de proposer des solutions alimentaires pour l’avenir : des aliments plus sains, plus forts, plus nourrisants.The Economist relevait ainsi début mai que les OGM sont « l’un des outils les plus prometteurs pour nourrir une population mondiale qui devrait atteindre un jour 9 à 10 milliards d’individus ».
En France, l’attitude est hostile. Dans sa bienveillance éternelle fondée sur un savoir scientifique visionnaire (qui comme chacun le sait, n’a jamais été démenti), l’Etat a décidé d’interdire la culture des OGM. Le gouvernement vient encore de confirmer cette tendance, en décidant de suspendre la commercialisation du maïs MON810. Il n’est toutefois pas le seul à se montrer réticent : aux Etats-Unis, l’Etat du Vermont vient d’obliger l’étiquetage spécifique des aliments génétiquement modifiés. La mesure, décriée, pourrait contribuer à ralentir la recherche selon ses opposants.
Car c’est bien ce dont il s’agit : de recherche et d’innovation. « L ‘alimentation 2.0 » (« Food 2.0 »), comme la désigne la revue du MIT, est d’abord une révolution scientifique. Elle cherche, par exemple, à améliorer la santé des consommateurs. Aux Etats-Unis, Richard Yu veut ainsi créer des « yaourts » (ou tout comme) médicaments : « envoyez à quelqu’un un paquet de poudre de yaourt qui a été traitée, et s’il a du lait et un pot, vous pouvez faire un médicament ». Cette Food 2.0 travaille également sur de nouveaux produits qui pourraient permettre de réduire les besoins agricoles : moins de terre, moins d’eau, moins d’énergie, moins d’animaux aussi (Hampton Creek, par exemple, travaille à trouver des substituts aux œufs).
En matière de recherche, l’excès de précaution est aussi synonyme d’obstacle au progrès scientifique. Les inquiétudes sont réelles et légitimes : les Français demandent d’ailleurs plus de transparence en matière alimentaire. Mais la frilosité est coûteuse… Il est regrettable qu’elle conduise la France a prendre beaucoup de retard, par pur dogmatisme.
Faites quand même attention aux amalgames entre un aliment génétique modifié pour la santé (mais substituable, traditionnellement, par une simple règle de bon sens alimentaire, de diversité alimentaire, etc.) et un aliment modifié, à l’instar du maïs « roundup ready », pour le confort agricole. Distinguez aussi ce qui relève du pur argument de vente (chez Monsanto comme ailleurs, il faut bien défendre son bifteck !) de ce qui relève du business plan et de la stratégie de l’entreprise. A ce titre il faudrait s’intéresser aux progrès scientifiques de quelques chercheurs indépendants comme Gilles-Eric Séralini, de l’Université de Caen. Ses travaux semblent en effet montrer la régression (donc le contraire du progrès) qu’engendrerait la consommation d’un tel produit « 2.0 » comme le maïs transgénique. Encore faut-il prendre le temps d’écouter ce type, assez rare il est vrai, d’expert indépendant (bien que ces études en laboratoire aient été soutenues financièrement par quelques grands noms de la distribution française… par principe de précaution ou pour leur image ??)
Progrès pour les uns, régression pour les autres : nous voilà hélas face à un jeu à somme nulle, avec des gagnants (producteurs) et des perdants (consommateurs).
Quant au dogmatisme français, il serait raisonnable de l’opposer au dogmatisme américain battu en brèche par ces Etats de l’Union qui, faute de précautions initiales, ont un mal fou à obtenir le « minimum vital » à savoir l’accès à l’information, la transparence en matière d’équitage alimentaire.