J’ai répondu aux questions d’Atlantico sur le sujet : Et les chiffres tombèrent… toujours plus de fonctionnaires en France : une comparaison dans le détail avec ce que font nos voisins européens.
Mes réponses sont disponibles ci-dessous et l’interview complète est en ligne ici
1 ) Les effectifs de fonctionnaires sont repartis à la hausse en 2012 selon une note de l’Insee publiée mercredi 23 avril, avec une augmentation de 0,3%. La France comptait ainsi 5,5 millions de fonctionnaires au 31 décembre 2012, parmi lesquels 135.300 contrats aidés. Au 31 décembre 2012, un Français sur cinq travaillait pour l’État, les collectivités locales ou l’hôpital. La France figure en effet parmi les pays de l’OCDE qui emploient le plus de fonctionnaires. Comment expliquer cette différence ?
La France est en effet l’un cinq des pays de l’OCDE où la part des employés publics (ce qui est plus large encore car il faut inclure de nombreux emplois qui ne sont pas fonctionnaires) dans le total des personnes employées est la plus forte.
Cela s’explique certainement par une tradition d’interventionnisme public très fort en France depuis la fin de Seconde guerre mondiale. L’augmentation continue de la dépense publique est allée de pair avec des recrutements massifs, qui représentent environ un quart de la dépense publique (c’est à dire de l’Etat, des collectivités locales et de la Sécurité sociale). Les rémunérations des seuls fonctionnaires représentent 13% du PIB et un tiers du budget de l’Etat. Or un fonctionnaire représente une dépense rigide de très long terme : le contribuable doit payer son salaire et sa retraite.
Le poids de l’emploi public s’explique également, comme le montre la note de l’INSEE, par la multiplication des échelons administratifs : départements, régions, communes, intercommunalités … à chaque niveau cela suppose des agents (pour la sécurité, l’entretien, le secrétariat, le suivi des dossiers).
2 ) Quelles sont les difficultés à comparer l’effectif des emplois publics dans différents pays ? (différence entre emplois publics, fonctionnaires statutaires, etc….)
Les publications de l’OCDE reposent, justement, sur une certaine harmonisation. Mais des questions restent en suspens qui ne sont pas purement statistiques. Par exemple, est-ce vraiment identique d’avoir un fonctionnaire d’un pays nordique, qui peut être licencié, et un fonctionnaire français qui n’est clairement pas soumis à cette menace ?
3 ) La tendance dans ces autres pays est-elle à la baisse ou la hausse des emplois publics ?
Dans les autres pays de l’Union européenne, la tendance n’est pas vraiment à la hausse de l’emploi public, faute de moyens. En Grande-Bretagne par exemple, le Gouvernement avait annoncé dès 2010 la suppression de 500 000 postes de fonctionnaires…
La question qui se pose réellement est celle de l’efficacité de ce poids des fonctionnaires. D’un point de vue économique, elle n’est pas évidente. Les fonctionnaires ont plus de vacances (INSEE), partent à la retraite plus tôt (DREES) et sont en moyenne mieux payés (INSEE). Est-ce justifié par une efficacité claire pour la collectivité ? Plus largement, le poids des fonctionnaires dans l’économie entretient les connivences et le copinage, ce qui nuit à la performance économique et à l’équité sociale.
Au-delà, ce poids des fonctionnaires pose des questions démocratiques. Ils sont surreprésentés à l’Assemblée Nationale et leur engagement dans la vie politique pose clairement des conflits d’intérêts : comment comprendre qu’un magistrat administratif, qui doit juger en toute impartialité, affiche des préférences politiques (la question se pose à Orléans notamment) ?
5 ) En France, l’effectif des fonctionnaires d’Etat a baissé de 25 000 postes entre 2011 et 2012 alors que 6778 postes ont été créés à la rentrée 2012 dans l’Éducation nationale. Les collectivités territoriales seraient quant à elles plutôt bonnes élèves. Que dire des efforts fournis par nos voisins ? Comment se répartissent les coupes chez nos voisins ? Quels sont les choix qu’ils opèrent en la matière ?
L’Etat a eu tendance, ces dernières années, à baisser le nombre de ses fonctionnaires, alors que les collectivités locales ont fait exploser tous les plafonds. En ce sens, la rationalisation du nombre d’échelons administratifs, comme l’a proposé Manuel Valls, est une bonne chose.
Pour autant, il faut aller plus loin et se poser la question de l’efficacité de la dépense publique.Le Président Hollande, jusqu’à maintenant, a fait le choix de partir du principe que la quantité d’agents publics était une réponse pertinente : c’est ce qu’il fait par exemple avec le dogme des « 60 000 postes » dans l’Education nationale. Or, ce n’est absolument pas évident.
En Grande-Bretagne, David Cameron a tenu le discours suivant en matière d’éducation : gardons la dépense publique, pour autant qu’elle soit efficace ; pour cela, l’Etat pourra se tourner vers des partenaires privés pour fournir les services scolaires. En l’occurrence, il a fait appel aux parents, qui ont créé leurs propres écoles.
La France doit faire une révolution mentale. Même Terra Nova a défendu l’idée qu’on peut très bien avoir un service public rendu par une entreprise privée et des salariés privés. Ce qui importe, c’est la qualité du service rendu à l’usager, pas la nature du contrat de l’agent qui le fournit ni la nature juridique (publique ou privée) du prestataire.
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