Dans une chronique récente, j’ai salué la vision économique moderne, mobile, tout fait dynamique et parfaitement ancrée dans les réalités des députées Dessus (PS) et Attard (EELV)… Non je plaisante ! Pour que chacun puisse profiter de leur idéologie totalement ubuesque et dépassée, voici les extraits complets (chacun pourra vérifier sur le site de l’Assemblée Nationale que rien n’a été modifié à la teneur de leurs propos):
Mme Sophie DESSUS. Qui d’entre nous pourrait affirmer qu’un texte visant à protéger les librairies indépendantes des marchands de marchandises culturelles en ligne ne serait ni nécessaire ni indispensable ? Quel est le député qui ne s’inquiète pas pour la survie des librairies de proximité ? Quel est l’élu qui ne craint pas la disparition des libraires et de leur savoir-faire, ou qui n’est pas conscient du fait qu’une librairie qui ferme, c’est du lien social qui disparaît, ce sont des emplois détruits, un territoire qui perd de son attrait et une raréfaction de l’accès à la culture pour tous et partout ? Le numérique n’est pas seul en cause : des ventes déloyales et pernicieuses grugent le consommateur et le rendent dépendant, alors qu’il se croit gagnant. Quel est, enfin, le parlementaire qui ne serait pas conscient des méfaits – pour ne pas dire des ravages – causés par les nouveaux Terminator du commerce moderne, les Attila de la société de consommation culturelle, les Amazon & Cie, qui préfèrent vendre à perte pourvu qu’ils gagnent des marchés et capturent de nouvelles clientèles ?
Sans aucun état d’âme, ils traitent et transforment leurs salariés en machines, au point même, pour accroître la ressemblance, de racheter Kiva Systems, un fabricant de robots qui remplaceront bientôt les ouvriers dans les entrepôts. Sans scrupules, ils pratiquent une vente déloyale qui ajoute la gratuité du port à la remise de 5 % prévue par la « loi Lang ». Sans vergogne, ils font subventionner des créations d’emplois, plus ou moins effectifs, tout en se jouant de la législation fiscale des pays dans lesquels ils sont implantés. Ils doivent plus de 200 millions d’euros au fisc français et le Congrès des États-Unis prépare à leur encontre une nouvelle contribution, la « taxe Amazon ».
Dans cette situation, c’est bien le moins que soit débattu à l’Assemblée nationale un texte qui vise à renforcer la protection des libraires indépendants contre Amazon & Cie. Que ce texte vienne de l’UMP et soit présenté par M. Christian Kert peut surprendre, mais devons-nous pour autant manquer d’indulgence et refuser la repentance ? (…)
La question est l’une des plus importantes que l’on ait à traiter dans le domaine culturel et l’article qui nous est proposé n’a pas l’ambition qu’elle mérite. Le sujet, c’est l’exception culturelle française. C’est un choix de société, et même un choix de civilisation : c’est le choix de la diversité, le choix entre l’être et l’avoir, entre la consommation à tout crin et l’accès à une culture de qualité pour tous et partout.
Ne nous contentons pas de ce simple article qui, s’il a le mérite d’exister, n’a pas les moyens de moyens de freiner Amazon dans sa course infernale. Rien n’échappe au groupe américain : parti du livre, abordant tous les domaines, il touche aujourd’hui au marché de l’art, à la presse et aux carottes crues. (…)
Mme Isabelle ATTARD. Monsieur le rapporteur, je suis très déçue par votre proposition de loi. Une fois de plus, vous vous emparez d’un vrai sujet pour le traiter par le petit bout de la lorgnette. Faire payer les frais de port par Amazon est une bonne idée sur le papier, mais je ne peux pas croire que vous pensiez régler ainsi tous les problèmes de nos libraires. Je vous propose d’examiner la question dans son ensemble.
Vous êtes, comme le veut la doctrine de votre parti, un défenseur du capitalisme, c’est-à-dire du dogme de la concurrence libre et non faussée, de la recherche du profit, de la main invisible du marché et de la loi de l’offre et de la demande. Dans cet esprit, vous avez, durant des années, voté des lois destinées à libéraliser le commerce, déréguler les transactions, supprimer les frontières douanières et faciliter à outrance les transferts de capitaux.
Et voilà que vous feignez aujourd’hui de découvrir que, lorsque l’on permet une concurrence sauvage entre des entreprises, il y a des gagnants et des perdants. Par quel tour de magie pouvez-vous défendre la concurrence, la raison du plus fort, pour verser ensuite des larmes de crocodile sur le pauvre perdant ? Vous aurez compris que le gagnant, c’est aujourd’hui Amazon, et que les perdants, ce sont les libraires.
Croyez-vous vraiment que c’est la livraison gratuite des livres qui permet à Amazon d’engranger autant de bénéfices ? (…)
Jetons un œil à d’autres formes d’imposition des entreprises. Selon l’étude publiée aujourd’hui par la Commission européenne, la France ne percevrait pas toute la TVA due. Le montant total a de quoi faire rêver : 32,2 milliards d’euros par an. Je suis sûre que cet argent n’est pas perdu pour tout le monde.
Amazon utilise encore d’autres moyens pour récupérer un maximum de profit.
Un livre intitulé En Amazonie, infiltré dans le meilleur des mondes, dans lequel le journaliste Jean-Baptiste Malet raconte son expérience d’intérimaire au centre logistique d’Amazon à Montélimar, est à cet égard édifiant : la précarité est la règle et les salaires sont au minimum légal. Le directeur d’Amazon France, M. Frédéric Duval, se vante de payer 10 % au-dessus de ce minimum les salariés qui restent plus de six mois – lesquels, compte tenu du nombre d’intérimaires employés, ne doivent vraiment pas être nombreux. Comme l’a constaté le journaliste, « même ceux qui sont en CDI souffrent tellement de la dureté du travail qu’ils finissent par s’en aller ».
Pour régler ces problèmes de souffrance au travail, c’est à l’inspection du travail qu’il faudrait s’adresser. Malheureusement, les dix années de la droite au pouvoir ont quasiment détruit ce service public conçu pour les salariés. En 2011, chaque agent de contrôle de l’inspection du travail était en charge de 8 130 salariés : je vous laisse juge de la qualité du travail qui peut être atteinte dans ces conditions.
Amazon abuse du système légal en suivant une stratégie bien rodée : l’entreprise profite de son poids pour baisser les prix et ainsi éliminer les concurrents ; dans un second temps, elle remonte les prix pour augmenter les profits.
J’espère que vous l’aurez compris, monsieur Kert, votre proposition de loi composée d’un unique article ne peut prétendre changer quoi que ce soit à l’état du commerce du livre en France. Vous auriez plutôt dû vous pencher sur l’avenir des livres. Amazon est le leader de la vente de licences de lectures numériques ; ses dirigeants parlent de vente de livres, mais il s’agit d’une escroquerie sémantique : le contrat que leurs clients acceptent constitue un droit à lire, pas la possession d’un fichier électronique. D’ailleurs, Amazon se réserve le droit de supprimer les livres des comptes Kindle de leurs clients. Il est urgent de mettre fin aux systèmes qui placent ceux-ci dans une position captive.
Qu’est ce que vous ne comprenez pas là dedans? Tout ce qui est en gras est exact…